Devenir parent n’est pas inné. L’apprentissage se fait au fil du temps, au contact de ses enfants, des expériences rencontrées et des problèmes à surmonter. Personne ne peut vous conseiller et pourtant tout le monde le fait ! Une mère, un ami ou une sœur ont toujours un avis sur la façon dont vous élevez vos enfants, sur ce que vous devriez faire ou dire… Et lorsque l’on se sent dans l’impasse ou en difficulté, on a tendance à écouter et accepter le moindre conseil ! Ce qui ne facilite pas la confiance en soi, en ses propres compétences et en sa capacité à être parent.
Se sentir incompétent en tant que parent
Se sentir inquiet voire angoissé alors que l’on devient parent est tout à fait normal… Même si votre entourage a des enfants et que vous êtes un « super tonton » ou une « super grande sœur ». Le jour où l’enfant qui est face à vous en plein caprice est le vôtre, l’attitude à adopter sur le moment n’est pas une évidence !
Se sentir mauvaise mère ou mauvais père est très fréquent lorsque l’on découvre ce statut pour la première fois – et même après d’ailleurs ! Même lorsque c’est leur troisième enfant, certains parents ont l’impression de tout réapprendre. Tout est nouveau : il s’agit d’être à la fois bon, aimant, rassurant et en même temps d’éduquer, de fixer un cadre, d’être pédagogue… Autant de qualités qui font appel à des compétences complémentaires mais qui peuvent paraître contradictoires.
Se sentir dépassé, fatigué et dans l’incompréhension des comportements de ses enfants peut conduire à une baisse, voire une perte de l’estime de soi. Être démuni et se sentir seul dans sa prise de décision induit une perte de confiance en soi et en l’autre. En effet, il n’est pas rare que les deux parents ne soient pas alignés dans leur façon de penser l’éducation. Un parent peut très vite se sentir « nul » et inutile !
Et pourtant, il n’en reste pas moins difficile de l’admettre et d’en parler… Ce ressenti inconfortable risque donc de se manifester par des symptômes dits « psychosomatiques ». Des parents désemparés disent qu’ils deviennent irritables, voire agressifs avec toute la famille. D’autres sombrent dans une forme de dépression plus ou moins grave. Enfin, et ce cas de figure est assez fréquent, certains perdent complètement leur libido ou souffrent de troubles sexuels jamais rencontrés jusqu’alors. Il peut s’agir d’une baisse du désir pour son ou sa partenaire, d’un problème d’impuissance, de perte du plaisir…
Comment se sentir un parent « défaillant » peut impacter la sexualité ?
L’estime de soi est une notion théorique : il s’agit de la reconnaissance que l’on a de sa propre valeur, à la différence de la confiance en soi qui est la reconnaissance de ses propres compétences.
Ainsi, une bonne estime de soi repose sur la conscience de ses qualités, de ses atouts, de ses goûts, de ses opinions. Alors lorsque dans votre rôle parental votre estime de soi est malmenée, cela peut avoir un impact sur la sexualité. Prenons l’exemple du papa d’une petite fille de 18 mois : un jour, il a tout simplement oublié de lui mettre une couche avant la sieste. Sa femme était consternée et il s’est senti terriblement honteux. Lorsqu’elle l’a sollicité le soir-même, il ne s’est pas senti capable de la satisfaire.
La honte vient très vite dans le processus de déficit d’estime de soi. Et lorsque l’on éprouve de la honte, on a envie de disparaître, on ne se sent pas digne d’exister. On éprouve un mélange de peur et de colère, on ne se sent pas à la hauteur de ce que les autres attendent. Il s’agit d’une émotion très destructrice.
Alors oser désirer sa femme ou son mari lorsque l’on se sent en dessous de tout peut devenir compliqué. Pour désirer, aller vers l’autre, l’étreindre, s’abandonner et jouir, il est nécessaire d’avoir une bonne estime de soi. Il faut se sentir puissant, s’aimer suffisamment, aimer son corps et/ou avoir confiance dans le fait que son ou sa partenaire aime celle ou celui que l’on est et ce que l’on représente. Ce sont les clés pour vivre une sexualité épanouie.
Se vivre mauvais parent parce que vous avez oublié une dose en faisant un biberon, que vous n’arrivez pas à coucher votre enfant ou que votre ado vous a claqué la porte au nez peut donc en effet impacter votre sexualité…
Comment sortir de cette impasse et retrouver l’estime de soi ?
Heureusement, se sentir mauvais parent n’est pas une fatalité. D’abord, les choses changent : vous pouvez traverser une mauvaise passe et sortir de cette période différent, grandi ! Votre bébé finira par dormir la nuit et sera propre un jour, comme tous les enfants du monde !
Ne paniquez pas, chaque étape permet de se développer en tant qu’individu. Il s’agit d’apprendre de vos expériences. Ne pensez pas que votre partenaire se sent meilleur que vous, ses failles se jouent certainement ailleurs. Parlez-vous de vos difficultés, de vos peurs et de vos blocages… Soyez capables d’en rire. Ce n’est pas grave d’avoir craqué et hurlé sur votre petit monstre lorsqu’il s’est roulé par terre au supermarché… Cela arrive même aux meilleurs ! Ce qui compte, c’est de faire équipe, alors soyez solidaires. Soutenez-vous dans l’adversité, c’est le meilleur moyen de ne pas se sentir défaillant ou pire, jugé par l’autre. Pouvoir se dire que l’on fera mieux la prochaine fois est la meilleure façon de désamorcer les crises et de recréer de la confiance dans le couple.
De même, sachez que vous êtes les personnes les mieux placées pour savoir ce qui convient à vos enfants. Faites-vous confiance sur le lien qui vous unit à eux, sur ce que vous avez compris de leur personnalité, de leurs besoins. Et sachez ne pas leur laisser toute la place. Rien de pire pour le système familial que de subir un enfant au centre, qui se sent tout-puissant. Son comportement en sera évidemment impacté, votre capacité à le gérer également. Autant d’énergie que vous pourriez mettre à profit dans votre sexualité avec votre partenaire…
Pour entretenir votre sexualité et prendre soin de votre estime de soi, il est donc impératif de préserver le couple. Le ou les enfants qui ont rejoint le foyer ne sont pas censés occuper tout l’espace au point de vous diviser et vous éloigner ! Soyez attentifs à votre communication, à la façon dont vous formulez les choses. Soyez respectueux l’un de l’autre. Lorsque le papa sait dire à la maman « Tu sais, je ne t’en veux pas d’avoir donné la priorité à notre bébé parce que tu l’allaites, mais j’ai besoin que tu me laisses de la place aussi. », l’impact n’a rien à voir avec « Tu ne me regardes plus, il n’y a que le bébé qui compte ! ». Ne jugez pas, n’attaquez pas l’autre, dites ce que vous ressentez et ce dont vous avez besoin : le message sera reçu de façon positive et constructive.
Et n’oubliez pas de valoriser votre partenaire, dites-lui que ce qu’il ou elle fait est bien, prenez soin de vous dans la relation. Tout le monde en profitera, parents-amants et parents-enfants…
Stéphanie ASCHER
Psychothérapeute, Paris