La place du père au sein de la maternité

Ce n’est que depuis une quarantaine d’années que les futurs pères ont commencé à être accueillis dans les maternités. Ils sont désormais presque toujours associés au suivi de la grossesse et on leur a surtout ouvert les portes des salles de naissance. Ceux qui le souhaitent peuvent donc assister à l’accouchement et à la naissance de leur bébé.

De même, le développement de préparations à la naissance intégrant le futur père telles que l’haptonomie, ainsi que l’extension des groupes de pères, ont pour objectif de donner la parole aux coparents et de leur laisser une grande place dans le suivi anténatal et l’accompagnement à la future naissance.

Cette grande avancée a néanmoins des inconvénients lorsque cela n’a pas été volontairement choisi par le père. En effet, certains hommes se sentent contraints d’assister aux différentes consultations et notamment à l’accouchement – alors même qu’ils voudraient peut-être se trouver ailleurs. Ils peuvent alors ressentir un stress qu’il est important de percevoir, que ce soit de la part des équipes ou de la future maman elle-même. L’important est donc d’en avoir discuté ensemble afin que ne demeure aucun malentendu.

Bien souvent, les futures mères se sentent en décalage avec leurs conjoints, elles ont l’impression qu’ils ne vivent pas la grossesse de la même manière – et c’est le cas ! N’oublions pas que les coparents ne ressentent aucun symptôme physique ou hormonal de la grossesse : celle-ci peut donc rester très abstraite pendant quelques semaines, voire quelques mois. Les futurs pères ne deviennent pères qu’à travers leur imaginaire pendant la grossesse, ce qui peut créer le sentiment que les temporalités respectives des deux parents sont différentes.

Comme le « devenir mère », le « devenir père » est une étape qui peut bouleverser les hommes du fait de la charge émotionnelle et des réminiscences liées aux souvenirs et aux identifications à ses propres parents. Mais ces bouleversements ne s’appuient sur aucun changement physique et ce n’est pas si simple à vivre.

L’importance du dialogue pendant la grossesse

La grossesse est une période intense dans la vie d’un couple. La relation conjugale est forcément transformée : il est donc primordial de partager vos ressentis.

En tant que futur papa, n’hésitez pas à participer aux consultations, à l’entretien prénatal précoce – l’entretien du 4e mois, qui n’est pas un examen gynécologique mais une conversation avec une sage-femme qui peut permettre d’obtenir des réponses à vos propres interrogations – ainsi qu’aux échographies. Cela peut permettre de vous sentir mieux impliqué dans le suivi de grossesse, d’avoir vos propres interlocuteurs et de construire ainsi votre parentalité. Ressentir les mouvements de votre bébé, toucher et sentir les transformations du ventre de votre compagne vous aidera à vous approprier votre bébé. Le plus important est de respecter le temps de chacun afin que ces gestes ou ces choix soient les plus naturels possibles.

Mesdames, n’hésitez pas à informer votre compagnon de chaque étape traversée, à partager avec lui vos doutes et vos craintes : ne l’excluez pas de votre grossesse. En revanche, il peut aussi être important d’entendre que votre conjoint n’est pas encore prêt, n’en est pas encore là et n’a pas les mêmes envies que vous. Les neuf mois de la grossesse servent à s’accorder, avant le moment de la rencontre avec le bébé qui vient réellement concrétiser chez le père, mais parfois aussi chez certaines mères, le processus de parentalité.

Messieurs, si vous souhaitez assister à l’accouchement de votre compagne, il semble important que vous puissiez vous aussi suivre des cours de préparation à la naissance. Vous pourrez ainsi mieux vous préparer, mieux anticiper cette journée et discuter de vos craintes éventuelles avec les intervenants de la maternité. Si finalement vous n’êtes pas à l’aise le jour de l’accouchement, là encore parlez-en à votre partenaire et à l’équipe. Autorisez-vous à faire des pauses : vous reviendrez ensuite plus disponible psychiquement pour votre femme et votre bébé.

En cas de césarienne, discutez également en amont du premier « peau à peau ». Pendant les deux heures que votre compagne passe de toute façon en salle de réveil, vous pouvez vivre un moment tout à fait exceptionnel avec votre nouveau-né. Les équipes des salles de naissance et les psychologues exerçant en maternité sont de plus en plus attentifs au vécu des pères lorsque l’accouchement a été difficile. N’hésitez pas à solliciter les équipes ou à profiter de votre séjour pour vous confier sur vos ressentis et vos éventuelles craintes sur votre nouveau rôle de père.

La place du père en ces temps de Covid

En 2020, du fait de la crise sanitaire liée au Covid-19, les visites des familles ont d’abord été suspendues. Au pic de la première vague, le coparent a aussi été écarté du suivi de grossesse et du séjour en suites de couches. Dans la plupart des maternités, les chefs de service ont tenu à préserver leur présence au moment de l’accouchement et de la naissance de leur bébé. Mais ces conditions ont permis de se rendre compte à quel point les pères étaient investis et avaient mal vécu cette séparation d’avec leur femme et leur bébé. Les mamans se sont senties également démunies et il est désormais évident que le père a toute sa place dans les maternités. Changeront-elles un jour de nom, pour y inclure encore plus symboliquement les pères ?

Rencontrer son bébé à l’occasion des échographies, assister à sa naissance, participer aux soins à deux et se découvrir en tant que parents sont des étapes fondamentales au développement du sentiment d’attachement et à la construction d’une unité familiale.

Les séjours en suites de couches ont été raccourcis grâce à la possibilité de faire intervenir les sages-femmes au domicile – ainsi, les familles ont pu se retrouver au plus vite. Il y a aussi eu une volonté forte pour que les pères reviennent le plus vite possible et ne soient plus écartés des séjours en suites de couches, des échographies ou des consultations. Ces moments, nous l’avons vu, permettent au père de s’investir au mieux et de réaliser progressivement que son bébé va arriver.

Le congé paternité

En juillet 2021, une nouvelle avancée est venue confirmer l’importance accordée à la présence du père. Ce congé paternité de vingt-huit jours est sans doute une merveilleuse opportunité pour créer de manière plus précoce un lien d’attachement entre le père et son nouveau-né. Il rétablit un peu d’équité entre les femmes et leur partenaire dans la mise en place de leur lien avec le bébé et les soins à lui apporter.

Certaines femmes seront soulagées de ne pas « tout » porter. La plupart des hommes seront heureux de passer du temps avec leur bébé et de consolider leur lien en ne reprenant pas tout de suite le travail. Certains pères peuvent néanmoins être en difficulté devant cette pression d’être des « papas poules ». Il est important de comprendre qu’il n’y a pas de modèle unique. Si vous vous sentez mal à l'aise, n'hésitez pas à en parler !

Avec l’éloignement des familles, la jeune maman et vous serez tous les deux très sollicités par votre bébé, et c’est bien normal. Un nouveau-né a tellement de besoins qu’on ne peut pas s’en occuper au mieux si l’on est un parent isolé. Mais parlez de vos craintes, des soins pour lesquels vous vous sentez moins à l’aise, et partagez les tâches de manière à ce que chacun puisse se sentir à sa place.

Pour ceux qui souhaitent s’investir encore plus, pourquoi ne pas penser à un congé parental ? À des horaires adaptés à votre vie de famille ? À des temps de télétravail qui permettraient d’aller plus facilement chercher votre enfant chez la nourrice ou à la crèche ? Il était nécessaire d’avoir désormais un mois entier pour s’ajuster, mettre en place une nouvelle routine et comprendre quelle place on souhaite occuper dans la famille.

Jusqu'à tout récemment, tout devait se décider et se parler dans l’urgence des tout premiers jours, au moment où la fatigue et donc le stress étaient maximaux. La communication pourra ainsi mieux s’établir, sans le compteur de temps qui tourne et oblige à aller vite – là où prendre son temps est essentiel. Le retour au travail et la conciliation vie professionnelle/vie familiale s’en trouveront nécessairement facilités. Enfin, l’objectif de ce congé plus long est de réduire la survenue de sentiments dépressifs chez l’un et l’autre parent, et de les aider à mieux se centrer sur les besoins de leur bébé. À deux, on est plus forts !

Lucille CLOAREC
Psychologue clinicienne
Saint Cloud

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