La grossesse, une période particulièrement anxiogène

La grossesse est la période de la vie de la femme où elle est le plus sujette au stress et aux variations de l’humeur. Outre les hormones, la femme revit sa propre enfance, son lien à ses parents, se questionne sur la mère qu’elle sera, tout en n’ayant aucun contrôle sur ce qui est en train de se passer en elle. L’incertitude est reine pendant cette période et l’on ne sait jamais à l’avance ce qui va se passer et comment cela va se dérouler. Il est alors tout à fait légitime de se poser mille questions, et parfois la grossesse devient particulièrement anxiogène.

Les angoisses peuvent évoluer au fur et à mesure de l’avancée de la grossesse. Très souvent, le troisième trimestre marque l’apogée des angoisses concernant l’accouchement. Dans notre société, les femmes ont désormais accès à de nombreuses informations, ce qui peut paradoxalement augmenter leurs craintes.

Les craintes concernant l’accouchement : des angoisses « normales »

Les craintes par rapport à l’accouchement sont universelles, très fréquentes et presque ancestrales. En effet, nous avons toutes été bercées, consciemment ou non, par les histoires des naissances de nos mères et de nos grands-mères. Et comme souvent, notre esprit n’en a retenu que le négatif, puisqu’il a tendance à focaliser sur les éléments stressants d’un discours.

Il faut cependant bien comprendre que même si elles peuvent s’avérer difficiles à vivre, ces craintes sont quasiment « normales ». En effet, elles permettent même à l’esprit de se préparer « mentalement ».

Sylvain Missonnier, psychologue spécialisé en périnatalité, appelle cela l’angoisse « signal » : une angoisse presque positive, qui a pour objectif de nous permettre d’anticiper et de nous préparer psychologiquement à ce qui va advenir. Ainsi, ce sont ces craintes qui nous poussent à poser des questions aux sages-femmes, à nous inscrire aux cours de préparation à la naissance ou à nous renseigner auprès de l’anesthésiste sur les bénéfices de la péridurale, par exemple.

Quand les craintes se transforment en peurs

Mais parfois, ces craintes sont plus importantes. On parle alors de peurs qui peuvent faire souffrir la future mère car elles deviennent envahissantes et irraisonnées. Elles ont souvent des répercussions sur le sommeil (avec l’apparition de cauchemars ou de réveils nocturnes) et sur l’humeur. Il est alors difficile pour l’entourage de savoir comment accompagner et rassurer la future mère, qui peut être hermétique à tout message bienveillant.

Les peurs sont diverses et dépendent de l’histoire de chacune. Les plus fréquentes sont la peur de la douleur, la peur de mourir, la peur que le bébé meure, la peur de ne pas savoir pousser ou d’être empêchée de le faire, la peur de mettre au monde un enfant et de devenir maman, la peur de l’inconnu, la peur du manque de contrôle physique et psychique lié à l’accouchement, la peur de perdre pied face à son ou sa partenaire…

Même si elles sont souvent cachées par crainte du jugement, il est néanmoins nécessaire de parler de vos peurs afin de repérer précisément le motif de vos craintes et l’origine de ces angoisses. Plus vous en parlerez, plus la prise en charge autour de vous sera adaptée à votre situation.

Il peut aussi être très utile de rédiger un projet de naissance avec votre partenaire. À froid, chez vous, il est important de nommer vos craintes, car cela peut être difficile à faire le jour J du fait de l’angoisse. L’équipe sera alors informée, mieux armée face à vos pleurs, votre mutisme ou vos crises de panique, et elle saura trouver les mots pour vous aider.

Enfin, avant même de commencer le suivi dans une maternité, il est important de se renseigner sur les protocoles de votre lieu de soin. Par exemple, si vous avez peur de souffrir ou de ne pas avoir votre péridurale à temps, il peut être judicieux de choisir une maternité qui offre la possibilité de poser une péridurale même tardivement.

Les différents types de peurs

La peur de la douleur et des complications médicales

La peur de la douleur et des complications médicales peut être enrayée par les consultations avec l’anesthésiste, la sage-femme ou le gynécologue. Nous ne pouvons que vous recommander de vous inscrire à une préparation à l’accouchement, car ces séances permettent bien souvent de mettre des mots sur vos craintes et de recevoir des informations précises qui lutteront contre vos fantasmes.

Des cours collectifs au sein de la maternité auront l’avantage de vous faire vous sentir moins seules, puisque la plupart des femmes ressentent également une crainte vis-à-vis de l’accouchement. Vous rencontrerez différentes sages-femmes que vous recroiserez éventuellement au moment de la naissance. Vous ferez ainsi plus ample connaissance avec l’équipe, et cela permettra donc de vous donner confiance avant même d’arriver en salle de travail.

C’est aussi l’occasion de comprendre quels sont les protocoles mis en place dans votre maternité en cas de complications.

Avec des cours individuels, vous vous sentirez plus contenue par votre sage-femme, à qui vous confierez plus aisément vos angoisses, et que vous pourrez revoir dans le post-partum.

Il existe aussi des techniques moins théoriques de préparation à l’accouchement comme la sophrologie ou l’haptonomie. En fonction du motif de vos angoisses, ces techniques peuvent être très pertinentes et vous permettre de vous apaiser.

Les craintes liées au bébé

La crainte des complications pour votre bébé peut aussi être discutée pendant la grossesse. L’équipe vous expliquera tout le suivi rapproché systématiquement mis en place pendant l’accouchement, la surveillance constante des battements du cœur de votre enfant, et les solutions apportées si le bébé devenait trop fatigué par les contractions de travail.

S’il s’agit plutôt de peurs liées à son arrivée à proprement parler (la peur de ne pas le trouver beau, de ne pas l’aimer, de ne pas être à la hauteur…), là aussi n’hésitez pas à en parler dès la grossesse. Ces peurs sont tout à fait normales et sont encore une fois un moyen de l’esprit pour se préparer psychologiquement à cette rencontre.

Et n’oubliez pas que cette rencontre, ce lien que vous créerez, n’est pas automatique. Il peut prendre du temps et se construire progressivement au fil de vos expériences passées ensemble. Plus vous gagnerez en confiance, plus vous serez apaisée avec votre bébé et plus la rencontre vous paraîtra aller de soi.

La peur du manque de contrôle

Enfin, si c’est plutôt le manque de contrôle sur votre corps ou une pudeur vis-à-vis de votre partenaire, n’hésitez pas à en parler aux soignants et à votre moitié. Si le coparent peut participer aux cours de préparation à l’accouchement, lui aussi sera préparé à ce qui adviendra. Vous pourrez alors discuter de sa présence ou non le jour J et du fait qu’il sorte au moment des examens, par exemple.

Concernant les équipes, n’oubliez pas qu’elles sont très habituées à accueillir des femmes en souffrance et anxieuses, et qu’elles sauront vous aider si vous les laissez faire. On a tendance à penser que cette situation inconnue est synonyme de manque de contrôle : c’est peut-être vrai pour vous, mais cela ne l’est absolument pas pour l’équipe soignante ! Celle-ci est préparée à chaque scénario possible et saura s’adapter et se réadapter à ce qui pourra éventuellement se passer.

Un suivi psychologique parfois nécessaire

Parfois, ces craintes ne cèdent pas et il peut être bon de faire quelques séances avec la psychologue de votre maternité. En effet, le caractère envahissant de ces peurs peut jouer sur l’humeur et le sommeil : il existe alors un risque de dépression anténatale et/ou du post-partum.

Parfois, il s’agit d’une deuxième ou d’une troisième grossesse, et la peur est en lien avec une première expérience compliquée lors de l’un de vos précédents accouchements. Vous pouvez alors être atteinte d’un syndrome post-traumatique, à proprement parler. Le fait de retomber enceinte et l’imminence de l’accouchement va réactiver votre anxiété et vous pouvez alors être sujette à de véritables crises de panique.

Un suivi psychologique dès la grossesse peut alors être nécessaire. Changer de maternité et d’équipe peut aussi aider à « tourner la page ». Refaire confiance et raconter très tôt ce qui s’est passé la première fois à votre nouvelle équipe soignante sera alors primordial.

Psychologue en maternité, je suis régulièrement amenée à rencontrer des patientes pendant leur séjour, dans les jours qui suivent leur accouchement, car elles ont besoin de raconter leur vécu, tout comme leur conjoint. Plus la patiente peut en parler tôt, et plus elle pourra mettre de la distance avec ce qui s’est passé à l’accouchement.

Parfois, cela peut prendre plusieurs séances, et il arrive que les patientes soient ensuite orientées vers des séances d’hypnose ou d’EMDR afin de limiter l’impact du trauma. L’important est de recevoir l’aide la plus adaptée possible, et surtout de ne pas rester seule avec un stress qui pourrait s’amplifier et gâcher votre fin de grossesse ou les premiers temps avec votre bébé.

Lucille CLOAREC
Psychologue clinicienne
Saint Cloud