L'hypersensibilité d’un enfant se caractérise par un ressenti plus intense de ses émotions et de celles des autres, souvent accompagné de perceptions sensorielles exacerbées. L’hypersensibilité, qui concernerait 20 % de la population, n’est pas une maladie – comment penser qu’être plus empathique envers les autres puisse être pathologique ? Pourtant, elle entraîne chez l’enfant des réactions qui peuvent paraître excessives ou disproportionnées et impacter sa vie relationnelle, émotionnelle et sensorielle – ce dont il souffre. Pas une maladie, et pourtant de la souffrance ? Se mettre à la hauteur des émotions de l’enfant est indispensable pour lui permettre de tirer le meilleur avantage de cette sensibilité accrue.
Mieux comprendre l'hypersensibilité de l'enfant
L’enfant hypersensible perçoit un plus grand nombre de stimuli que la moyenne des enfants de son âge. Il fait donc face à un plus grand nombre d’informations sensorielles, trop par rapport au temps dont le cerveau a besoin pour gérer ces informations, les hiérarchiser, leur donner sens – ce qui conduit à une perte de repères.
Traiter ce flux incessant de stimulations occasionne une fatigue excessive par rapport à ses camarades du même âge, qui ne les ont souvent même pas remarquées. Et lorsqu’il est noyé sous le flux de stimulations, l’enfant « surcharge » et la crise survient.
Comment se manifeste l'hypersensibilité ?
Il arrive fréquemment à l’enfant hypersensible de réagir exagérément à la frustration, au changement ou à une stimulation apparemment mineure.
En parallèle, l’enfant hypersensible est souvent un enfant à la recherche de calme et perçu comme timide ou nerveux en société (soit parce qu’il cherche à se soustraire des stimulations trop intenses, soit parce qu’il y est baigné et tente de les gérer au mieux).
L’hypersensibilité peut conduire l’enfant à rencontrer des difficultés :
- difficultés à faire des choix (car il se soucie de ne froisser personne) ;
- difficultés à organiser ses actions (car il est parasité par son environnement) ;
- troubles du sommeil (fatigue excessive en journée et/ou difficultés d’endormissement, en raison de ses perceptions sensorielles exacerbées qui le maintiennent dans un état d’hypervigilance).
Comment aider un enfant hypersensible ?
L’hypersensibilité est probablement multifactorielle. Le fait que, dès la naissance, le bébé soit capable de réactions plus intenses face à un stimulus, ou pour des stimulations habituellement peu perçues, témoigne d’un caractère inné, héréditaire.
En revanche, il est certain que l’environnement affectif et émotionnel dans lequel grandit l’enfant joue un rôle déterminant dans la façon dont il arrivera à gérer cette sensibilité exacerbée. Comprenez avant tout que les réactions de votre enfant ne sont pas « faites exprès » : il ne s'agit ni de manipulation, ni de caprice. Avec votre aide, il va apprendre à gérer ses émotions. Mais d’ici là, réprimandes et punitions seraient totalement contreproductives.
- Accueillez avec bienveillance les émotions de votre enfant : nommez ce qu’il ressent, validez que vous avez compris que c’est difficile pour lui, même si vous avez du mal à comprendre pourquoi il vit si intensément ce qui vous paraît tellement insignifiant.
- Invitez-le à parler de ses émotions, de ce qu’il ressent, pour lui permettre de mettre du sens sur ce qu’il vit.
- Prêtez attention à ses comportements : à force d’observer votre enfant, vous arriverez à décoder les signes annonciateurs d’un trop-plein d’émotions ou de perceptions sensorielles. Proposez-lui alors de vous extraire avec lui de la situation sociale ou sensorielle : aménagez-vous un moment, au calme, où il puisse faire le vide à sa façon.
- De la même façon, vous apprendrez à identifier les situations qui conduisent à la surcharge et à les anticiper par des aménagements.
- Aménagez le changement : votre enfant doit dormir à l’extérieur ? Autre luminosité, autres bruits, matelas différent… L’autoriser à apporter ses draps et son oreiller, par exemple, lui permet de retrouver ce contact-là, qu’il connaît bien et qui le rassure. Parlez avec lui de ce qui lui est difficile et essayez ensemble de trouver les moyens de s’y adapter.
- Aménagez des moments de calme : votre enfant vous réclamait à cor et à cri d’aller à la piscine municipale, mais après une demi-heure de trempette il demande déjà à rentrer. Il est possible que le bruit ou le contact continu des éclaboussures lui deviennent rapidement insupportables. Peut-être pouvez-vous lui proposer un temps de pause, de jeu calme, avant de lui proposer de se baigner à nouveau.
- Aidez-le à accorder de l’importance seulement lorsque c’est nécessaire : est-ce que ce problème est grave ou « juste » agaçant ? Il y a plein d’évènements agaçants, frustrants, dans la vie quotidienne. Peu d’entre eux viennent compromettre la santé ou la sécurité de l’enfant. L’aider à distinguer ce qui le contrarie de ce qui est grave lui permet de prioriser le traitement des informations qui lui parviennent, et ainsi de moins se laisser submerger.
- Valorisez ses qualités, son sens du détail, de l’observation, son empathie, son intelligence émotionnelle, sa créativité, ses ressources…
Avoir une sensibilité exacerbée permet à l’enfant de prêter attention à des détails passés inaperçus aux yeux des autres, d’être davantage capable de s’accorder à l’état émotionnel de son interlocuteur. D’un point de vue sociétal, c’est un avantage certain ! Nous avons donc tout intérêt à soutenir ces enfants et à les accompagner vers une meilleure façon de gérer le flux d’informations sensorielles qui leur parviennent, pour les aider à devenir des adultes solidement empathiques et soutenants à leur tour.
Michèle Prados, infirmière puéricultrice