Vrai tabou mais vraie question !

De nombreuses personnes ont des réticences à aborder le sujet de l’argent, dans la sphère professionnelle mais aussi dans la sphère personnelle. Pourtant, l’argent a une réelle influence sur notre vie de couple, sur notre vie intime — et même sur notre désir. Il est donc essentiel d’apprendre à en parler librement au sein du couple, sans tabou.

Un peu de contexte

Avant d’aborder cette question ô combien sensible, il est important de la contextualiser. En effet, de manière générale, l’être humain a tendance à penser que nous sommes là à l’instant T par hasard et que tout ce qui s’est passé avant n’existe pas. C’est oublier que nous sommes le fruit d’une lignée, et que nous portons en nous le poids du passé.

Au-delà de l’histoire transgénérationnelle qui peut se transmettre de façon inconsciente dès la naissance et tout au long de notre vie, nous emmagasinons les façons de faire et de penser de nos aïeux.

Si l’on veut interroger la relation du couple avec l’argent, il faut interroger l’histoire des individus, et plus largement l’histoire avec un H. Pour ce faire, autorisons-nous un petit rappel historique.

L’argent dans la tradition catholique

En France, la séparation de l’Église et de l’État date de 1905. La France, autrefois appelée la fille aînée de l’Église, est catholique depuis le deuxième siècle de notre ère. Ce qui signifie qu’elle a baigné pendant 1 700 ans dans cette culture, et ce, de manière institutionnelle.

De cette culture sont issus de nombreux rituels, mais aussi des valeurs fondamentales, des pensées, des croyances — dont, précisément, le rapport à l’argent.

Selon Michelle Barrot, Petite Sœur de l’Assomption, membre du conseil d’administration de l’association Éthique et Investissement : « Quand tu donnes un déjeuner, n’invite pas tes amis. Invite les pauvres, les estropiés, parce qu’ils n’ont pas de quoi te rendre ».

Toujours dans cette idée, Antoine Kerhuel, secrétaire de la Compagnie de Jésus, rappelle que l’argent dans la tradition catholique fait la distinction entre le rapport aux biens quant à leur possession, et le rapport aux biens quant à leur usage. Plus clairement, posséder pour posséder, c’est mal. Posséder pour redistribuer, c’est bien : le profit doit être réalisé au bénéfice de tous.

À travers cette très succincte analyse, on comprend aisément que l’argent dispose d’une posture ambivalente depuis son apparition dans notre société. Nous sommes donc les héritiers de ce rapport à l’argent.

L’amour et l’argent

Et comme si cela ne suffisait pas, l’amour rentre en jeu. L’argent est, de fait, un sujet extrêmement tabou dans la religion chrétienne, particulièrement dans sa branche catholique… mais l’amour aussi !

D’une manière générale, on parle plus facilement de « sexe » que d’amour. Dire ce que l’on ressent à l’égard de son ou sa partenaire, y mettre les bons mots, c’est toujours plus compliqué que d’expliquer à quoi ressemble sa vie sexuelle.

Alors comment faire pour parler d’argent ?

Ne pas aborder cette question, c’est se saborder et saborder son couple. Lorsqu’il y a des prises de décisions importantes, comme l’achat d’une maison, la vente d’un bien familial, la question de l’héritage lors du décès d’un proche, la conception d’un enfant que ce soit par voie « naturelle » ou par un projet de procréation médicalement assistée, l’argent est toujours présent dans les conversations.

Si, dans votre couple, vous n’êtes pas suffisamment à votre aise pour en parler au quotidien, cela sera une difficulté supplémentaire à surmonter lorsqu’il y aura des enjeux plus importants.

4 étapes pour parler d’argent

1. Dédramatisez. Retenez cette phrase : l’argent est la plus facile des conversations difficiles dans le couple. L’argent n’est pas un indicateur de votre valeur ou de celle de votre famille. C’est juste un moyen d’obtenir des services ou des produits, c’est tout !

2. Analysez. Réfléchissez à votre rapport à l’argent et partagez vos conclusions avec votre partenaire. Comprendre le rapport à l’argent qu’a entretenu la famille dans laquelle on a grandi peut être très utile pour savoir ce que l’on souhaite garder ou au contraire ce dont on souhaite se délester.

3. Organisez. Une fois les réflexions menées, planifiez avec votre partenaire un moment qui sera dédié à cette conversation. Ainsi, aucun risque de s’échapper !

4. Agissez. Durant cette discussion, livrez votre analyse sur la situation financière du couple et réfléchissez à des solutions qui vous conviennent à tous les deux : loyer au prorata du salaire, mise en commun de tous les revenus, etc.

Les pratiques favorisant une bonne entente financière

  • Il est préférable de toujours garder votre compte personnel et de mettre en place un compte joint pour les dépenses communes.

  • Essayez de mettre en place une solution de suivi à deux pour contrôler les dépenses du quotidien. On a tendance à se dire que 3 euros par ci, 5 euros par là, ce n’est rien, mais mis bout à bout, cela peut finir par peser…

  • Apprenez à différencier l’égalité de l’équité. Par exemple, le loyer devrait avoir le même impact sur vos salaires respectifs : favorisez donc le loyer au prorata du salaire. C’est d’ailleurs valable pour toutes les dépenses en commun : les vacances, les courses, etc.
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Pour aller plus loin :

  • L’argent dans le couple, Peut-on s’aimer sans compter ?, Bernard Prieur, Éditions Albin Michel.
  • Les Bons Comptes font les bons amants, Héloïse Bolle, Éditions du Cherche midi.
  • Le couple & l’argent, Titiou Lecoq, Éditions l’Iconoclaste.

Margaux Terrou, sexologue clinicienne

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