Comprendre le reflux gastro-œsophagien

Comme dans bien des situations qui touchent nos bébés, nous ne sommes pas à l’abri des idées reçues – et celles-ci font le lit de décisions qui ne sont pas toujours adaptées.

Régurgitations et reflux gastro-œsophagien : quelle différence ?

Avant d’aller plus loin, il faut faire le distinguo entre d’une part les régurgitations qui sont tout à fait physiologiques, et d’autre part le RGO – qui est pathologique.

Les régurgitations ne sont dues qu’à l’immaturité du tube digestif du bébé : la « valve » qui sépare son œsophage de son estomac n’est pas parfaitement étanche et le lait prend le chemin inverse très facilement. Le sphincter du bas-œsophage ne sera vraiment étanche que vers l’âge d’un an. Pas d’inquiétude d’ici là donc.

Quelles sont les causes du RGO ?

Il faut bien comprendre le point suivant : la première cause du reflux est une errance diététique ! Mais en tant que parent, il n’y a pas de culpabilité à avoir : le RGO obéit malheureusement à une mécanique vicieuse et qui s’auto-entretient.

  • Les régurgitations sont fréquentes et habituelles chez le tout-petit – mais c’est en raison d’un trop-plein de son estomac.
  • D’autre part, l’estomac risque aussi le trop-plein parce qu’il n’a pas encore eu le temps de se vider complètement du précédent repas.
  • De ce fait, l’estomac, organe intelligent, va s’acidifier de plus en plus pour augmenter l’efficacité et la rapidité de la digestion.

Et voici donc le cercle vicieux qui s’installe :

Volume du repas trop important + repas trop fréquents = estomac trop distendu + vidange gastrique incomplète.

L’estomac produit en réaction un liquide gastrique de plus en plus acide qui agresse l’œsophage et induit une brûlure progressive sur sa muqueuse.

Pour comprendre en détail ce dont le petit estomac de votre bébé a besoin, voici quelques comparaisons fruitières très parlantes :

  • À l’âge d’un ou deux jours, l’estomac du bébé est gros comme une cerise ;
  • À 3-5 jours, comme une noix (= 25 ml) ;
  • À 10 jours, comme un petit abricot (= 50 ml) ;
  • À un mois, comme un œuf (= 100 ml) ;
  • À 2 mois, comme un kiwi ;
  • À 4 mois, comme une pêche ;
  • Et à un an, comme une pomme (= 250 ml) !

Une fois que l’on a bien visualisé ces volumes, il est facile de comprendre que le contenu des biberons devra s’adapter au petit estomac de votre bébé.

Ce qui fait grandir l’estomac du bébé, c’est le fait de passer de l’état complètement vide à l’état complètement plein sans jamais dépasser le volume physiologique.

Cela signifie donc qu’un bébé ne doit manger ni trop, ni trop souvent.

  • Pas trop, pour ne pas provoquer une régurgitation du trop-plein ;
  • Pas trop souvent, pour laisser la vidange gastrique se faire complètement.

Car si l’on mettait une caméra dans l’estomac du bébé pendant sa digestion, on pourrait constater jusqu’à 3 heures après qu’il reste encore du lait du précédent biberon…

Reflux gastro-œsophagien et allaitement maternel

Sans la moindre intention de culpabiliser les femmes qui n’allaitent pas, il faut savoir que le RGO est exceptionnel chez les bébés qui bénéficient d’un allaitement maternel.

En effet, le lait maternel possède différentes caractéristiques très intéressantes :

  • Il est extrêmement léger, voire « aérien », et donc très rapidement digeste.
  • Il s’adapte en qualité et en quantité au bébé qui grandit : très gras au début (c’est le colostrum), il s’allège progressivement mais augmente en quantité au fur et à mesure que le bébé grandit. La physiologie est formidable !
  • À l’âge d’un mois, le lait maternel est d’une composition mature et parfaitement adaptée à votre bébé.

Si l’on voulait comparer le lait maternel au lait artificiel, il faudrait comparer les œufs à la neige avec une crème brûlée – encore une comparaison culinaire ! L’un de ces deux desserts est clairement plus digeste que l’autre.

Un bébé nourri au lait maternel ne mange jamais trop, ne présente pas de reflux, sa vidange gastrique est extrêmement rapide – MAIS, et c’est tout à fait logique, il mange plus souvent !

Quels sont les symptômes du RGO ?

Les parents épuisés par les pleurs trop fréquents n’ont pas besoin d’un dessin !

Au début, le bébé a des régurgitations fréquentes mais elles sont indolores et c’est toujours du lait qui n’a pas été digéré.

Progressivement, le bébé va pleurer après ses biberons parce que les reflux des régurgitations dans l’œsophage vont s’acidifier et donc commencer à le brûler.

Encore plus tard, le bébé peut pleurer très souvent, indépendamment des repas, parce que les brûlures de son œsophage sont devenues douloureuses en permanence.

Que faire pour soulager le bébé ?

Bien sûr, et si l’on a bien suivi la logique du cercle vicieux du RGO, il faudrait pouvoir réduire le volume et la fréquence des biberons.

  • Le volume, pour limiter le trop-plein gastrique et donc les régurgitations. Malheureusement, un bébé qui prenait 120 ml risque de ne pas se contenter de 90 ml…
  • Il faut donc essayer d’espacer les biberons, de manière à ce que la vidange gastrique soit complète. Mais il n’est pas toujours évident de faire patienter un bébé affamé : vous pouvez tenter de le distraire avec des jeux, des câlins, des petites balades dans les bras… Tous les moyens sont bons pour essayer de décaler l’heure du repas !

On peut également jouer sur la texture du biberon. Épaissir le lait limite les reflux par une action mécanique simple : moins le lait est liquide, moins il aura tendance à remonter.

Pour terminer, on pourra utiliser dans un premier temps des pansements gastriques. Ces médicaments tapissent l’œsophage, diminuent localement l’acidité gastrique et réduisent l’impact irritant du reflux. Si cela n’est pas suffisant, on passe alors aux médications antiacides comme l’Oméprazole par exemple. Mais attention, il faut savoir rester raisonnable (et raisonné !) dans l’escalade thérapeutique.

Il reste un cas rare (mais pas si rare) qu’il faut tout de même évoquer : l’intolérance, voire l’allergie aux protéines de lait de vache, responsables de symptômes un peu similaires à ceux du RGO. L’échec des traitements ou des mesures diététiques habituels incite à tenter carrément de supprimer le lait de vache. On pourra avoir la surprise de voir progressivement les symptômes disparaître… Les laits de remplacement seront alors des hydrolysats ou des laits végétaux.

Dr Armand LAHANA
Pédiatre
75017 Paris

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