Quel parent n’est pas soucieux de la bonne santé et du bien-être de son enfant ? Chaque parent souhaite que son enfant soit heureux, en pleine santé, qu’il grandisse bien et soit entouré d’amis.
L’une de vos préoccupations est probablement son alimentation et son poids. En effet, que ce soit la famille, le personnel médical et scolaire ou même les médias, on ne cesse de vous alerter sur « l’épidémie » d’obésité. Car oui, on parle bien d’épidémie à propos de l’obésité : en France, cela concernerait environ 34 % des enfants de 2 à 6 ans (surpoids et obésité confondus) et 21 % des 8-17 ans.
Mais parler d’obésité de l’enfant reste un sujet délicat, car très vite la thématique peut dévier sur l’impact des parents dans leur rôle éducatif. Suis-je un mauvais parent si mon enfant est en surpoids ou obèse ? Quelle est la part de la « junk food », de la sédentarité, de la pollution ? Comment savoir si mon enfant est concerné ? Et finalement, en tant que jeune parent, quels sont mes moyens d’action ?
Avant tout, voici un rappel théorique : le surpoids et l’obésité sont définis par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme « une accumulation anormale ou excessive de graisse corporelle qui peut nuire à la santé. »
À chacune de vos visites, le médecin qui suit votre enfant reporte son poids et sa taille sur des courbes de croissance. Ces courbes sont différentes selon que votre enfant est un garçon ou une fille. Ces deux mesures vont permettre d’établir non pas un IMC (Indice de Masse Corporelle), mais un index de corpulence que l’on va pouvoir suivre. On parlera de surpoids lorsque le point sera situé au-dessus de la courbe du 97e percentile et d’obésité au-dessus de la courbe IOTF 30. Ces deux courbes figurent dans le carnet de santé.
Quels sont les premiers signes de l’obésité ?
Il existe plusieurs types d’obésités :
- Les obésités résultant de mutations génétiques (environ 5 %) ;
- Les obésités syndromiques (syndrome de Prader Willy par exemple) ;
- Les obésités communes (la grande majorité des cas).
Les deux premières sont dépistées si besoin par le médecin, mais elles sont peu fréquentes et accompagnées de retards de développement, de troubles mentaux et psychomoteurs.
Les obésités communes peuvent montrer des premiers signes avec un rebond d’adiposité précoce. En effet, la plupart des enfants, jusqu’à l’âge de 6 ans, grandissent plus vite qu’ils ne grossissent. Cela tend à s’inverser à partir de cet âge : on remarque alors une baisse de la courbe de corpulence, puis une remontée soudaine. Chez certains enfants, ce rebond intervient avant 6 ans, parfois même vers 3 ans. Le médecin vous en informera afin que l’entourage de l’enfant puisse rester vigilant.
Pourquoi mon enfant est-il en surpoids ou obèse ?
Si c’est le cas, ne culpabilisez surtout pas ! Vous n’êtes pas responsable de cet état. Les études montrent que plusieurs facteurs conjugués en sont responsables :
- Le premier, sur lequel il n’est pas possible d’interférer, est la génétique. Il existe des prédispositions génétiques à l’obésité, comme pour de nombreuses maladies, et les individus ne sont pas égaux face à cela.
- Le second est la programmation in utero. Le tabagisme de la maman a été mis en avant dans de nombreuses études comme facteur de risque, ainsi que le petit poids de naissance de l’enfant. Mais attention, ces résultats sont à nuancer car les études comportent souvent des biais tels que l’environnement social, les antécédents maternels, etc.
- Le dernier facteur est l’environnement « obésogène » ou l’épigénétique, c’est-à-dire ce qui dans l’environnement va modifier l’expression des gènes. Par exemple, un bébé avec des prédispositions génétiques, grandissant dans un milieu social défavorisé, moins éduqué, aura plus de risques de devenir obèse. En revanche, attention à ne pas tomber dans le cliché de l’enfant obèse qui passe ses journées devant une console et mange des chips pour le goûter. Cela n’est pas une cause, mais plutôt un facteur aggravant si l’enfant présente des prédispositions.
Un enfant obèse n’a pas de risque de comorbidités (maladies cardiovasculaires, diabète, hypertension…) comme c’est le cas à l’âge adulte. En revanche, il peut mal vivre cette différence physique : l’impact psychologique sera donc le point de vigilance le plus important.
L’enjeu n’est pas tant l’obésité de l’enfant que son risque de le rester à l’âge adulte. C’est là que cela peut devenir problématique. Ce risque va dépendre du milieu social, de la sévérité de l’obésité et du contexte génétique familial et environnemental.
L’obésité de l’enfant est bien plus complexe que la simple conséquence de la « malbouffe » ou de l’absence d’
activité physique.
Les bébés et les enfants possèdent un système de régulation naturel appelé « pondérostat » (comme un thermostat pour le poids), qui tend à se déséquilibrer à l’âge adulte. Ainsi, ils mangent à leur faim mais s’arrêtent au-delà. Vous pouvez remarquer que souvent, un enfant qui a bien mangé est capable de refuser un dessert qu’il adore, tout simplement parce qu’il n’a plus faim. Et s’il mange beaucoup lors d’un repas, il réduira naturellement ses quantités lors du prochain.
Il est donc important de laisser votre enfant réguler sa faim, de ne pas le forcer à finir son assiette. Pour éviter le gâchis, vous pouvez lui servir de plus petites portions et le resservir s’il le demande. Pour un
nouveau-né, c’est la même chose : certains seront plus goulus mais se réguleront sur les tétées ou biberons suivants. Essayez de l’aider à garder cette régulation naturelle.
Concernant les quantités servies, elles doivent être adaptées aux besoins nutritionnels de votre enfant. Il est certain que vos assiettes seront distinctes. Pour vous repérer, vous pouvez consulter le carnet de santé : il contient les recommandations du PNNS (Programme National Nutrition et Santé). Vous pouvez également demander des conseils à votre médecin ou à un diététicien.
La question des quantités n’est pas tellement en lien avec la problématique de poids, mais plutôt de couverture des besoins nutritionnels. Votre préoccupation première ne doit pas être de prévenir l’obésité, mais plutôt de garantir à votre enfant un apport en nutriments et micronutriments nécessaires à sa croissance et à sa bonne santé.
Avant tout, il ne faut diaboliser aucun aliment dès lors que sa
diversification alimentaire est terminée. Bien sûr, l’idée n’est pas de lui donner des bonbons, sodas et biscuits industriels à profusion. Mais une consommation exceptionnelle ou festive n’impactera pas négativement son poids.
Le meilleur exemple, c’est vous ! En effet, si votre famille a l’habitude de consommer des boissons sucrées (jus ou sodas) à table, il sera difficile de les lui interdire.
Les repas, pris tous ensemble quand cela vous est possible, sont des moments de convivialité, d’échange et de transmission. Si vous êtes un fin gourmet et que votre alimentation est variée, il y aura plus de chances que votre enfant fasse la différence entre le plaisir gustatif et le remplissage mécanique de son estomac. Faites-lui goûter un fromage un peu fort, faites-le participer à la préparation du repas, emmenez-le au marché ou chez le primeur et faites-lui remarquer la beauté des étals ou des couleurs de saison.
Cuisinez autant que possible des aliments bruts (c’est-à-dire non transformés). Les méfaits de l’alimentation sont surtout ceux de l’industrie moderne qui ultra-transforme les aliments en y ajoutant des conservateurs, additifs, sel, sucre et graisses à outrance.
Des légumes de saison frais ou surgelés, une portion de viande, poisson ou œuf, un peu de féculents et une huile végétale de bonne qualité, suivis d’un fruit ou d’un laitage, constitueront la base de son alimentation après la diversification. Les plats préparés, fast-foods et produits sucrés doivent rester exceptionnels.
Quel est le rôle de l’activité physique ?
N’hésitez pas à bouger en famille ! L’activité physique démarre dès le plus jeune âge. Même les bébés doivent avoir leur moment de mobilité sur le tapis d’éveil, avec vous ou dans le
bain. Dès lors qu’il marche, allez au parc ou faites-le marcher à côté de la poussette tous les jours.
Enfin, dès 2-3 ans, des activités d’éveil sportif sont proposées dans la plupart des communes. Plus jeune votre enfant démarrera, plus il intégrera le sport et l’activité physique dans son quotidien, même adulte.
Quel est le rôle du sommeil ?
Veillez à ce que votre enfant ait un bon sommeil. Les premiers mois sont souvent chaotiques et il faut parfois attendre un an avant qu’un enfant dorme sans réveil nocturne. Entre 3 et 6 mois, il commence à avoir la capacité de tenir une nuit entière sans manger. Bien sûr, c’est très variable selon les enfants, donc ne vous inquiétez pas si ce n’est pas le cas ! Après un an, les réveils sont surtout liés à des
poussées dentaires ou maladies bénignes.
Tentez de distinguer les biberons ou tétées « réconforts » des véritables faims. Beaucoup de parents pensent qu’un bébé qui se réveille la nuit a forcément faim et donnent un biberon ou le sein. Cela peut induire des habitudes qui vont perdurer, et votre enfant va progressivement associer le fait de s’alimenter à un réconfort.
Si son repas de la veille était très léger car il était fatigué, il est tout à fait possible qu’il ait faim. Mais dans le cas contraire, un bisou, un câlin prolongé et une petite veilleuse devraient l’aider à se rendormir. Le soir au coucher, c’est la même chose : trouvez de petits rituels comme une histoire, une chanson, un massage des pieds ou des mains pour lui permettre de s’endormir sereinement.
La qualité du sommeil impacte le métabolisme complet, y compris la régulation de la faim. C’est vrai chez le bébé, l’enfant et l’adulte.
Quel est le rôle du microbiote intestinal ?
Il est important de prendre soin du microbiote des tout-petits. On parle de flore intestinale : ce sont les bactéries naturellement présentes dans l’intestin. Cette flore est en quelque sorte une armée qui défend l’organisme des agressions extérieures, un puissant allié immunitaire.
Des études en cours tendent à montrer un lien entre une flore déséquilibrée et la survenue d’obésité et d’autres maladies chroniques.
Cette flore se constitue dès la naissance au contact de la maman, du milieu extérieur, lors des tétées… Mais à 2 ans, la flore devient définitive, d’où l’importance des premiers mois.
Elle peut être fragilisée lors de la prise d’antibiotiques : si c’est le cas, demandez à votre médecin de vous prescrire un probiotique pour bébé. Lors de la diversification, les laitages fermentés type yaourts ou fromages en contiennent naturellement. Les fruits et légumes nourriront ses bactéries : on parle de prébiotiques.
Des exemples de questions courantes
Voici quelques exemples de situations dans lesquelles vous allez peut-être vous reconnaître :
- « Mon bébé est joufflu, potelé, tout le monde me le dit souvent. Est-il obèse ? » Non – les morphologies des bébés sont variées et un enfant potelé pourra tout à fait être un adolescent puis un adulte très menu.
- « Mon enfant de 2 ans refuse de manger des légumes, il ne mange que des pâtes et des yaourts. Va-t-il devenir obèse ? » Là encore, la plupart des enfants passent par un âge de « néophobie » alimentaire (c’est-à-dire de dégoût pour certains aliments). Rien de grave ! Continuez à lui proposer des fruits et légumes et à en manger devant lui. Il finira par y revenir spontanément.
- « L’infirmière scolaire me dit que mon enfant est en surpoids. Dois-je le mettre au régime ? » Surtout pas ! On ne met pas en place de régime chez les enfants. En revanche, vous pouvez demander conseil auprès d’un professionnel de santé (diététicien, nutritionniste) pour équilibrer son alimentation. L’objectif n’est pas qu’il perde du poids, mais qu’il continue à grandir plus vite qu’il ne grossit.
Rassurez-vous : quel que soit le poids de votre enfant, les professionnels de santé peuvent vous aider et répondre à vos questions sans jugement. L’obésité infantile n’est pas une histoire de « maltraitance culinaire ». La meilleure des conduites à tenir est de vous assurer que votre enfant ait une alimentation variée et surtout qu’il ait du plaisir à manger. L’alimentation, dans sa dimension psychologique, est un véritable cadeau que vous lui faites, à la fois pour sa santé et pour son épanouissement. Elle ne doit surtout pas devenir pour vous un motif de culpabilité, et pour lui une source de conflit.
On ne naît pas parents, on le devient. Alors même si vous ne faites pas tout parfaitement, ayez confiance en vos capacités de parents : vous savez ce qui est bon pour votre enfant.
Audrey Bauchet – diététicienne nutritionniste
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