Le véritable enjeu de la sexologie moderne est d’apprendre, en consultation, à ne pas considérer ce qui concerne le sexuel comme étant une sphère à part, mais faisant bel et bien partie du même ensemble que forment nos émotions.
Par exemple, lorsque l’on me dit « Je n’ai pas de désir », mon premier réflexe va être de sortir du domaine purement sexuel et de demander à la personne ce qui l’émeut. Il m’arrive de passer de longues heures à discuter d’art ou de sport pour montrer à la personne que oui, elle a du désir, mais qu’il ne s’exprime pas dans le secteur sexuel… Cette approche a un côté déculpabilisant qui n’est pas pour nous déplaire.
Rire, une expression qui part d’une pulsion
Avant de poursuivre, voici une petite présentation de la fonction érotique :
La pulsion entraîne l’expression d’un désir qui, elle-même, entraîne une demande.
Qu’il s’agisse de la pulsion érogène ou de la pulsion hilarante, les deux s’expriment par un mouvement et une expression du corps. Le rire (comme la sexualité) est associé à un socle instinctif, qui, comme chaque dimension instinctive de notre espèce, est codifié et normé — la censure en est le parfait exemple. Le rire, comme le plaisir, est avant tout question d’émotion. Il s’agit d’un lâcher-prise ultime.
Le rire au quotidien
Au quotidien, le rire est sous-estimé. Par exemple, le rire politique est le premier à être censuré, car le rire est politique. Il suffit de voir le drame qui a touché le journal Charlie Hebdo pour le comprendre. Ce potentiel de communication est extrêmement puissant. Le contrôle est prôné avec l’obligation de répondre à une codification sociale et hiérarchique. En fonction du statut social, les codes liés au rire seront différents : « On ne rit pas de n’importe quoi » et « On ne rit pas avec n’importe qui ».
Le rire a de nombreuses fonctions, c’est une boîte à outils qui permet de s’exprimer, que ce soit sur le registre de la séduction, de la contestation ou de l’approbation. En parlant de séduction, les femmes sont les premières victimes de la censure du rire. Comment ? Nous connaissons toutes et tous cet adage « Femme qui rit, à moitié dans ton lit » — en effet, le rire d’une femme peut être perçu comme une invitation.
Quoi qu’il en soit, il faut bien comprendre que les codes sociaux, moraux et religieux régissent tout ce qui a trait à l’instinctif comme l’alimentation, le sexe et la communication (qui inclut le rire donc). Les sphères interagissant entre elles, nous pouvons les utiliser ensemble ou individuellement pour en remobiliser une autre.
Utiliser le rire pour mieux se retrouver
En consultation, on peut utiliser le rire pour :
- Démonter le mythe d’une fonction érotique détachable du reste ;
- Mettre en place un accompagnement thérapeutique.
Rire à deux, c’est se laisser aller aux émotions les plus profondes, sans le moindre contrôle. C’est partager un moment unique, une bulle temporelle où rien ni personne ne peut vous déranger… un peu comme faire l’amour, finalement.
Rire à deux est excellent pour le couple, comme le montre ce projet de recherche intitulé “The Enduring Love ?”, mené sur 5 000 personnes en Grande-Bretagne par le Dr Meg John Barker, psychologue, et le professeur Jacqui Gabb, sociologue.
À ces personnes, ils ont posé la question : « Qu’est-ce-que vous aimez le plus dans votre relation ? ». La première réponse est… le rire.
Voici le top 10 des réponses :
- Rire ensemble
- Partager les mêmes valeurs et des intérêts communs
- Être des meilleurs amis
- Se sentir épaulé·e par l’autre
- Se sentir bien et en sécurité
- Être heureux
- Se faire confiance
- Être proche de l’autre
- Parler et écouter
- Être aimé·e et aimer
Ce qui est encore plus surprenant, c’est que le sexe ne fait pas partie du top 10 ! Dès lors, au lieu de vouloir modifier votre vie sexuelle en investissant par exemple dans des gadgets plus culpabilisants qu’utiles, vous pouvez essayer de regarder des one man/woman show, d’aller au théâtre, de regarder des vidéos de choses qui vous font rire avec votre partenaire… Vous tiendrez là, peut-être, le secret d’une relation épanouie.
Bibliographie :
“Enduring Love? Couple Relationships in the 21st Century”, Dr Meg John Barker and Professor Jacqui Gabb, The Open University, 2020.
Margaux Terrou, sexologue clinicienne