PMA, trois lettres pour décrire tout un monde : la Procréation Médicalement Assistée (ou AMP dorénavant en France). Jusqu’alors réservée aux couples hétérosexuels, il est désormais possible, depuis l’été 2021, d’entrer en protocole de PMA en France lorsque l’on est un couple de femmes ou une femme seule.
Mais qu’implique un parcours de conception dans la vie professionnelle ? Et dans la vie de l’entreprise ? Quels sont les écueils à éviter en tant qu’employeur ? Quels sont les droits des salarié·es dans ces situations ? Voyage au cœur de la PMA dans le monde professionnel…
Une atmosphère « safe » en entreprise
Avant même d’aborder le sujet de la PMA, c’est le bien-être général en entreprise qu’il est important de souligner. Pour qu’un collaborateur ou une collaboratrice se sente suffisamment en confiance pour entamer un parcours PMA tout en conservant son poste dans l’entreprise, il est nécessaire que règne un climat de sécurité et de bienveillance :
- pas de discrimination des femmes (« plafond de verre, mise au placard » lors d’une grossesse, etc.) ;
- pas d’homophobie ordinaire (remarques déplacées pourtant « inoffensives » dans la bouche de la personne qui les prononce, mais véritable coup de poing pour les personnes LGBT+).
La première étape pour l’entreprise, donc, avant même de prendre correctement en charge les parcours PMA, serait d’instaurer un climat sûr pour l’ensemble des salarié·es :
- prévention via un affichage au sein de l’entreprise ou des newsletters internes ;
- formation des cadres à travers des modules créés par des associations ;
- refus de la banalisation du sexisme, de l’homophobie et de toute sorte de discrimination ;
- incitation à un climat de bienveillance pour toutes et tous.
Le cas des femmes lesbiennes
Une majorité de femmes lesbiennes ne sont pas « out » au travail. Ce qui veut dire qu’elles ne révèlent pas nécessairement être LGBT+. Pourquoi ? Souvent par appréhension des réactions, par peur, par angoisse d’être catégorisées ou sexualisées, mais aussi pour se protéger dans un cadre de travail pas toujours sûr.
Dans le cas d’une demande d’absence pour un parcours PMA, elles ont donc souvent l’obligation non seulement d’annoncer qu’elles vont entrer en parcours PMA, mais aussi qu’elles sont LGBT+ — et de surcroît, de préciser laquelle des deux va porter la grossesse ! Ça fait beaucoup, surtout si le climat de l’entreprise n’est pas sécurisant.
Ce qui explique que ces femmes lesbiennes, qui pourtant ont droit à des absences dans le cadre de leur PMA, préfèrent parfois ne pas en bénéficier.
L’annonce du parcours PMA
Pour bénéficier des absences autorisées par la loi dans le cadre d’une PMA, la femme qui va porter la grossesse, qu’elle soit hétérosexuelle, homosexuelle ou en solo, doit donc informer son employeur de son projet de parentalité. Il convient à ce moment-là pour l’entreprise de mettre en place un cadre permettant à son employée de vivre cette procréation de manière sereine, en lui autorisant les absences liées à ce parcours, comme le prévoit la loi :
« Si elle a recours à l’assistance médicale à la procréation (AMP), la salariée bénéficie d’une autorisation d’absence pour les actes médicaux nécessaires au protocole. L’employeur peut demander un justificatif de ces absences. Ces absences sont considérées comme du temps de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés et pour l’ancienneté. Ces absences ne doivent pas entraîner une baisse de la rémunération. » Source : service-public.fr
Concernant le ou la partenaire, s’il y en a : eux aussi bénéficient de droits liés au parcours de PMA, cela est également prévu par la loi :
« La personne avec qui la salariée vit en couple (par mariage, Pacs ou concubinage – union libre) bénéficie aussi d’une autorisation d’absence pour se rendre à 3 de ces examens médicaux. » Source : service-public.fr
Attention tout de même : employeurs, sachez que dans le cadre d’un couple lesbien, le choix peut être fait d’opter pour une méthode de maternité partagée (on parle de méthode ROPA). Il s’agit de prélever les ovocytes d’une des partenaires, de les féconder en laboratoire avec le sperme d’un donneur puis d’implanter un embryon dans l’utérus de la deuxième partenaire. Ces 3 absences peuvent donc ne pas être suffisantes pour l’une ou l’autre des partenaires dans ce contexte. Il convient donc d’étendre les autorisations d’absences, notamment pour les examens qu’elles doivent réaliser toutes les deux et qui peuvent nécessiter plus de 3 absences.
Le cas des PMA à l’étranger
Dans certains cas, quand le couple ou la femme en solo ont épuisé leur nombre d’essais PMA en France, que les délais d’attente sont trop longs ou qu’il est nécessaire de passer par une méthode de PMA qui n’est pas autorisée en France, il est possible de se rendre à l’étranger.
Malheureusement, la loi ne s’est pas encore mise à niveau au sujet des absences PMA pour un parcours à l’étranger. Pourtant, il est légal d’aller concevoir son enfant dans un autre pays européen et cela est même remboursé parfois partiellement par l’Assurance Maladie (pour les méthodes autorisées en France).
Il convient alors d’organiser une rencontre entre le ou la salariée en parcours PMA et son employeur pour trouver ensemble une solution qui mette tout le monde d’accord. Le ou la salariée doit pouvoir bénéficier a minima de ce qui est prévu par la loi en France, et si possible de la prise en charge de son temps de trajet également.
Au-delà des absences : une idée pour aider ses salariées en PMA
Prendre conscience de la réalité de ce qu’un parcours PMA représente peut aider l’employeur à proposer un cadre bienveillant pour son employée. Un parcours PMA peut être stressant, éprouvant, fait de montagnes russes, de grandes joies comme de grandes peines. Il peut être court ou s’étaler sur plusieurs années et il faudra tenir, comme lors d’un marathon.
Il peut être bienvenu de proposer à son employée en parcours PMA de mettre à disposition une salle propre et privée si elle a besoin de réaliser des injections de stimulation hormonale lors de sa journée de travail. Cela peut être perçu comme un vrai soutien par l’employée, qui acceptera ou déclinera la proposition si elle n’en a pas besoin.
Pour conclure, il est tout à fait possible de concilier vie professionnelle et parcours de PMA si le cadre est sécurisant et bienveillant pour les employé·es et si les informations données à l’employeur par les salarié·es sont claires et précises. N’hésitez pas à échanger sur le sujet avec d’autres couples dans cette situation et surtout, à faire valoir vos droits !
Léa Cayrol – Autrice sur l’homoparentalité, membre du collectif Familles