Le terme d’homoparentalité peut désigner des configurations familiales très différentes, puisque ce terme fait référence à toutes les situations familiales dans lesquelles au moins un parent s’identifie comme homosexuel.

L’accès à la PMA pour les couples de femmes

Depuis la loi du 2 août 2021, l’insémination avec donneur est possible en France pour les couples de femmes. Auparavant, ces couples se rendaient à l’étranger. La gestation par autrui reste interdite en France, pour la totalité des couples comme pour les célibataires.

Concernant l’accès à l’AMP (assistance médicale à la procréation), « près de 6 800 nouvelles demandes de premières consultations » provenant de deux femmes ou de femmes seules ont été recensées en 2021. 53 % ont été faites par des femmes célibataires, 47 % par des couples de femmes. « Le délai moyen de prise en charge est d’un an pour une AMP avec don de spermatozoïdes », précise l’Agence de Biomédecine.

Contrairement aux couples infertiles, les couples de femmes qui ont recours à l’AMP sont moins sujets à la culpabilité, au manque d’estime de soi et aux doutes que viennent soulever la lourde question de l’infertilité. Pourtant, les femmes n’en vivent pas moins des ressentis complexes liés à la question du donneur, ainsi qu’à celle de la grossesse et de la maternité.

La place du donneur

La question du donneur peut entraîner différentes réflexions, notamment sur la place qu’il occupera dans la famille. Depuis septembre 2022, chaque enfant né d’un don aura accès à ses origines s’il le souhaite. Les deux partenaires vont alors construire leur parentalité en pensant, puis en faisant exister, ce donneur qui n’est pas le père mais qui aura une place importante dans la vie de leur enfant.

Très tôt dans le processus, et bien souvent avant même de tomber enceinte, bien des couples se questionnent sur la façon d’aborder le sujet du donneur avec leur enfant. Il s’agit de les aider, comme pour toute famille, à créer un discours qui prendra sens pour elles, dans leur histoire de couple puis de parents, et qui alors prendra sens également pour l’enfant devenu grand.

Par ailleurs, la question de l’héritage génétique et de la ressemblance physique occupe une place importante dans le discours de ces femmes. C’est comme si elles pouvaient alors s’identifier à la difficulté que l’enfant à venir pourra vivre en ne connaissant pas son géniteur.

Si le désir d’avoir un enfant dans un couple lesbien exclut en apparence le tiers, la décision de recourir à l’insémination avec donneur revient remettre du tiers à travers les différentes étapes de cette démarche : le passage par l’hôpital, la rencontre avec le gynécologue ainsi qu’avec le psychologue, la « présence » de l’homme à travers la figure énigmatique du donneur.

Un protocole souvent long et difficile

Le protocole n’est pas toujours bien vécu par les couples de femmes. En effet, les mères peuvent vivre l’insémination comme une expérience d’effraction corporelle. L’insémination avec donneur est un processus long et douloureux physiquement. Ce processus est marqué par la difficulté liée aux traitements hormonaux, à la complexité des procédures médicales et surtout à la survenue éventuelle d’un échec.

La découverte de ces difficultés est souvent vécue par les femmes comme une désillusion dont elles doivent faire le deuil pour pouvoir persévérer dans leur projet. S’inscrire dans une démarche de PMA n’est pas neutre et peut obliger les couples à vivre des déceptions, à repenser leur désir d’enfant, à mobiliser leurs ressources en cas d’échec ou de grossesse arrêtée.

Mère biologique et mère sociale

À cela s’ajoute la difficulté pour l’autre mère de trouver sa place dès le parcours, puis sur toute la grossesse.

La méthode ROPA, possible dans d’autres pays européens, est destinée à des couples de femmes qui décident d’avoir un bébé ensemble et qui veulent participer activement à la grossesse. L’une se soumet à une stimulation ovarienne en vue du prélèvement de ses ovocytes — l’autre reçoit l’embryon dans son utérus et portera la grossesse à terme. En France, cette méthode est interdite et les femmes ont donc à choisir celle qui sera la mère biologique : celle qui sera inséminée et qui portera l’enfant.

Cela va venir questionner le désir de chacune autour de la maternité, du devenir mère, du fait de porter un enfant et de le mettre au monde. La place que chacune aura avec sa partenaire sera sans aucun doute remaniée du fait de la grossesse et de l’arrivée de l’enfant. Ceci est vrai dans chaque famille, mais les couples de femmes auront à vivre en plus des choix qui ne sont pas neutres dès leur désir d’enfant.

Ce travail psychique laborieux commence en effet, pour les femmes homosexuelles concernées par un projet familial, avant toute procédure médicale, au moment où elles doivent décider qui va être la mère sociale et qui va être la mère biologique. Se pose alors la question de savoir ce qu’être mère veut dire… Qu’est-ce que cela fait d’être le deuxième parent, de sexe féminin ? De ne pas être la mère biologique mais d’être quand même la mère de ce bébé ? On dit souvent qu’il faut neuf mois pour « devenir parent » psychiquement en parallèle des neuf mois de grossesse, c’est particulièrement vrai dans les maternités homosexuelles.

Comme pour tout couple, la grossesse et la parentalité viennent questionner et remanier le vécu et les expériences passées de chacune. Il s’agit de pouvoir penser ces ressentis ensemble, afin de les traverser sans que cela vienne bouleverser l’identité de chacune au sein du couple.

Pour le couple lesbien, penser la maternité amène les deux partenaires à se repositionner par rapport au couple qu’elles forment et à explorer bien en amont de la grossesse ce que cela vient convoquer par rapport à leur propre individualité. Savoir communiquer, se sentir à l’aise dans chacun des choix réalisés est une condition nécessaire afin que la parentalité puisse se construire sur des bases solides.

Lucille Cloarec, psychologue

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