Comment accueillir une naissance après le décès d’un enfant in utero ?

En fonction du terme où l’enfant est décédé in utero, l’accouchement a souvent dû être déclenché. L’accouchement du bébé suivant réactive donc beaucoup d’émotions, que l’équipe de la maternité doit accueillir. Les parents sont néanmoins soulagés de rencontrer leur bébé vivant et reprennent confiance dans leurs capacités à pouvoir donner la vie.

Un mélange d’émotions à la naissance du bébé

Mais bien souvent, les angoisses reviennent assez vite et le temps du séjour en maternité est l’occasion pour les parents de se convaincre encore et encore que leur enfant va bien. Ils sollicitent beaucoup les équipes, s’inquiètent du moindre petit bruit et ont des difficultés à ce que ce sentiment de confiance en soi s’installe durablement.

Fréquemment, les parents ressentent comme un sentiment de disqualification et recherchent auprès de l’équipe des conseils bienveillants et rassurants. Mais cela peut leur paraître en même temps insupportable, et ils peuvent vivre difficilement cette comparaison entre eux-mêmes et les professionnels « qui savent faire ».

On observe parfois des difficultés pour les parents à s’attacher au bébé – ou bien, au contraire, ils s’y attachent très fortement. On observe également des réminiscences liées au bébé décédé, aux projets qu’ils avaient fait avec lui, ce qui peut déboussoler les parents, les culpabiliser ou les inquiéter.

L’intérêt d’un suivi psychologique

Il faut consulter ou continuer le suivi psychologique lorsque l’anxiété persiste au-delà du retour au domicile et des premières semaines passées à la maison.

On sait en effet les répercussions d’un stress répété et permanent sur l’enfant, et très souvent, les parents ont à cœur de s’aider à aider leur bébé. Ce suivi peut avoir lieu sur le temps de la maternité, puis dans des structures spécialisées comme des centres de consultation parents/bébé.

On a beaucoup parlé du syndrome de « l’enfant de remplacement ». Pour ses parents, l’enfant aurait un rôle inconscient, celui de se substituer au bébé décédé. Or, les enfants mis à cette place sont pris dans quelque chose d’impossible : l’enfant décédé n’a pas vécu et se trouve très souvent idéalisé. En effet, il n’a jamais pleuré, n’a jamais fait de caprices, c’est « un ange ». Le bébé réel ne sera pas un ange, il ne viendra pas combler tout à fait la peine des parents, et il existera pour lui-même.

Le travail de deuil

Le travail de deuil est la capacité qu’on a eu à reconnaître la perte de l’aîné, à ressentir des émotions douloureuses, puis à réinvestir d’autres relations, d’autres émotions. Il est nécessaire pour accueillir un nouveau bébé au sein d’une famille qui ne sera pas figée dans le déni du décès ou dans la sacralisation exclusive de l’aîné. L’absence de travail de deuil va fragiliser l’accueil et le destin de l’enfant suivant.

Il est donc important de parler du bébé disparu à l’enfant. Il n’y a pas de règles sur la manière et le moment de le dire, mais on sait désormais toutes les difficultés inhérentes aux secrets de famille. Contrairement à ce que l’on pense, les enfants s’accommodent bien de la vérité. L’enfant ne doit pas grandir auprès d’un fantôme, non évoqué mais pourtant omniprésent.

En évoquant le fait qu’il y a eu un grand frère ou une grande sœur, chacun a sa propre place, et c’est finalement moins pesant pour l’enfant qui comprend alors pourquoi parfois ses parents sont tristes.

Lucille CLOAREC
Psychologue clinicienne
Saint Cloud

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