La perte d’un bébé pendant la grossesse est toujours un drame.

Dans la langue française, il n’y a pas de mots pour désigner les parents qui perdent un enfant, comme si c’était impensable, irrationnel et finalement contre l’ordre des choses. Porter la vie et rencontrer la mort, souvent de manière brutale – en effet, les morts fœtales in utero sont souvent des « accidents » qu’on ne peut anticiper sur le plan obstétrical – est une douleur immense pour les parents.

Le ressenti des parents

On observe très fréquemment des ressentis de sidération, puis de tristesse, de colère, de déni, d’injustice et de culpabilité.  

La culpabilité est forte car généralement, on ne retrouve pas de causes médicales au décès de l’enfant. Les parents, notamment les mères, ont alors tendance à rechercher des causes inhérentes à la grossesse et retournent dans tous les sens ce qu’elles ont fait la semaine précédant le décès. Même si elles savent que c’est irrationnel, elles ont besoin d’exprimer ces ressentis de culpabilité. Cela leur permet sans doute de « maîtriser » les événements (« Au moins, je peux me raccrocher à quelque chose »).

Néanmoins, c’est souvent difficile pour le coparent qui voit sa compagne se dénigrer, ne plus avoir confiance en elle, voire se sentir en insécurité, comme si elle portait malheur, comme si son corps était maudit.

Les spécificités du deuil périnatal

Communiquer au sein du couple

Nous ne sommes pas égaux face au travail de deuil. Cela dépend de notre histoire, de notre rapport à la mort et aux personnes que l’on a déjà perdues, de notre culture.

Mais ce qui fait la spécificité du deuil périnatal, c’est que les parents commençaient seulement à rencontrer leur bébé. En fonction du terme de la grossesse, mais surtout de l’investissement et des projections qu’ils avaient déjà formés sur le bébé, les ressentis seront différents.

Il est donc très fréquent que la mère et le coparent ne ressentent pas les mêmes choses au même moment. L’un des enjeux du travail de deuil est de réussir à communiquer et à s’exprimer sur ses propres ressentis, car sinon il y a un risque important de quiproquo et de conflits (« Il a voulu reprendre le travail, il est déjà passé à autre chose »).

Se confronter aux réactions de l’entourage

Une autre spécificité du deuil périnatal est que, souvent, l’enfant était déjà bien présent dans la tête de ses parents, mais il n’existait pas forcément encore sur le plan sociétal, voire familial.

Les parents sont donc parfois confrontés à des réactions maladroites (« Vous en referez un autre »), comme si l’attachement à cet enfant était nié, parce que l’entourage ne peut s’imaginer ou souhaite se protéger de cette immense douleur.

C’est donc un deuil difficilement partageable et les parents, notamment les mères qui reprennent moins vite le travail, ont tendance à s’isoler.

Perdre une partie de soi

C’est aussi un deuil qui vient toucher le narcissisme des parents, car en effet, le bébé est d’abord une partie de soi. Certains parents ont donc l’impression de s’être perdus eux aussi.

Chez les femmes, il y a comme une sensation de complétude qui va de pair avec la grossesse : les mères ont l’impression d’accéder à une nouvelle féminité créée par la maternité. En cas de mort fœtale, elles ont l’impression d’être niées dans leur identité de femme, de mère.

Le moment de l’accouchement

Enfin, les mères ont souvent dû accoucher, et il y a toujours la question de la rencontre avec ce bébé : les parents doivent-ils le voir ? S’en sentent-ils la capacité alors que le choc de l’annonce du décès vient de se produire ?

Cela a été une question très débattue : on a longtemps considéré que le fait de voir le bébé pouvait aider à faire son deuil. Mais là encore, cela dépend de l’histoire de chacun et il faut s’autoriser à ce que vos réactions soient différentes de celles de votre partenaire.

Des photos de votre bébé sont systématiquement prises et conservées dans votre dossier. Il arrive très souvent que des couples viennent consulter ces photos avant de retomber enceinte, à l’occasion de la grossesse d’après, voire des années après la naissance de leurs autres enfants.

Lucille CLOAREC
Psychologue clinicienne
Saint-Cloud

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