Dans le domaine de la santé, reprenez le pouvoir !

L’empowerment est une notion aujourd’hui un peu fourre-tout, mais qui recouvre en réalité une dimension politique et sociale importante. Dans cet article, nous allons revenir sur la signification du terme, son utilisation dans le champ militant et son application dans celui de la santé, au sein duquel Malo et ses missions s’inscrivent.

L’empower quoi ?

L’empowerment, pour le dire de façon claire et concise, c’est l’idée de récupérer du pouvoir dans certains champs. On parle parfois d’autonomisation — c’est en tout cas la préconisation de l’Office québécois de la langue française.

Il s’agit d’octroyer davantage de pouvoir à des individus ou à des groupes pour agir sur leurs conditions sociales, économiques et politiques et les problématiques auxquelles ils sont confrontés. La dynamique d’empowerment commence par la prise de conscience d’une situation totale ou partielle de domination, qui va enclencher la mise en place d’une série d’actions pour retrouver un espace de liberté et de choix.

Empowerment et militantisme

Petit retour en arrière historique pour comprendre l’essence du concept : la notion d’empowerment est née dans les milieux de recherche anglophones à la fin des années 1970, dans des champs divers comme « le service social, la psychologie sociale, la santé publique, l’alphabétisation des adultes ou le développement communautaire ».

S’il est vrai que le terme est dévoyé depuis un certain nombre d’années avec une récupération marketing forte et des utilisations mercantiles (de coaching notamment), l’empowerment dans son sens originel n’est pas de l’ordre de l’individualité, vidé de substance politique. C’est un mouvement qui part de soi mais se jette dans le collectif, c’est le développement d’une conscience sociale sur différents sujets.

L’empowerment, c’est reprendre du pouvoir sur sa vie, sur sa trajectoire, individuellement, mais dans le même temps s’inscrire dans une démarche de progrès social global.

Par exemple, lorsqu’une femme décide de prendre la parole sur les difficultés de la maternité et du post-partum dans une démarche d’empowerment personnel, elle permet à d’autres femmes de le faire, dans une forme de prolongement et de contagion. En effet, de la réappropriation de l’espace de la parole et d’un certain pouvoir découlent maintes formes d’entraide. Ce qui entraîne, de fait, un mouvement d’émancipation collective.

Empowerment dans le domaine de la santé

Mais venons-en au domaine de la santé qui nous intéresse ici particulièrement. La chercheuse Isabelle Aujoulat définit ainsi le concept d’empowerment dans le domaine de la santé : « un processus de transformation personnelle par lequel les patients renforcent leur capacité à prendre effectivement soin d’eux-mêmes et de leur santé, et pas seulement de leur maladie et de leur traitement comme décrit le plus souvent dans la littérature médicale ».

La démarche de l’application Malo s’inscrit pleinement dans cette vision d’empowerment des parents. Les questionnaires, articles, matériaux, conseils et prises de parole de praticiens ont pour but d’informer, d’éduquer, de rassurer. L’objectif est l’autonomisation et la prise de confiance des parents dans leurs capacités – jusqu’au moment où ils ont besoin de rencontrer un professionnel, ce vers quoi l’application les redirige le cas échéant. L’application ne remplace pas les professionnels de santé mais a pour volonté de donner au maximum le pouvoir aux parents dans les rôles complexes et intriqués de la parentalité.

Il est important de préciser que, lorsque nous parlons de santé, nous parlons de santé mentale et physique. Il peut s’agir d’un burn-out, d’une dépression post-partum, de maux physiques liés à la grossesse ou au post-partum s’agissant des parents, mais aussi de maladies infantiles, de retards de développement, de besoins spécifiques s’agissant de leurs enfants. Être en capacité de chercher et trouver des réponses, de s’éduquer sur certaines questions par le biais d’applications sérieuses, de lectures, de documentation, est pressenti comme un enjeu important pour une éducation du patient/parent. Cela lui permet de renforcer sa capacité d’agir sur les facteurs déterminants de sa santé.

Le but est d’aider les individus à adopter des comportements favorables à une bonne santé, anticiper, percevoir les signes avant-coureurs. Et cela passe par la mise à disposition de certaines informations et le développement des capacités à comprendre et à utiliser ces informations pour faire des choix éclairés. Comme nous le lisons souvent, le savoir, c’est le pouvoir. Et être renseignés, que l’on soit une femme, un homme, un parent, c’est acquérir du pouvoir socialement, politiquement, économiquement et psychologiquement.

Pour la chercheuse Marie Persiani, cela passe par quatre axes :

  1. L’accès à l’information, à la connaissance et aux compétences ;
  2. L’implication dans les processus de prise de décision ;
  3. La capacité à formuler des demandes envers les institutions médicales ;
  4. L’efficacité personnelle, la participation communautaire et le contrôle perçu.

L’idée n’est pas de s’auto-diagnostiquer ou de rejeter le champ médical, mais bien d’être capable de s’orienter et de ne pas se sentir dépossédé·e de son vécu. Dans le domaine de la santé, en particulier parentale et surtout maternelle, la démarche est clairement féministe avec notamment la réappropriation d’expériences corporelles qui ont en partie été confisquées avec la surmédicalisation du suivi de grossesse ou de l’accouchement par exemple.

Les questions de santé physique et mentale en période de post-partum sont également des enjeux éminemment féministes. Nous vivons en effet dans des sociétés qui ne font que peu de cas de la souffrance des femmes — a fortiori des mères — et qui minorisent, nient, étouffent leurs douleurs vues comme une fatalité biologique, tout particulièrement dans le cadre de la maternité qui est supposément uniquement faite de bonheur et d’épanouissement.

Avoir accès à des questionnaires et à de la documentation autour de la dépression post-partum par exemple, savoir que cela existe, que c’est fréquent, en connaître les symptômes, peut permettre à une mère d’avoir le déclic pour aller voir un professionnel et ne pas la laisser s’installer et l’engloutir. C’est aussi ça, l’empowerment dans le domaine de la santé.

Illana Weizman, essayiste, journaliste et militante féministe

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