Le témoignage de Pauline
« On entend souvent que la charge mentale est plus conséquente quand on est maman solo. Pour moi, ça a été l’effet inverse. »
Je m’appelle Pauline, j’ai 31 ans, je suis maman d’une petite fille de 6 ans et je donnerai naissance à mon deuxième enfant dans quelques semaines. Ma première grossesse s’est très bien passée, mais les mois qui ont suivi ont été assez chaotiques. Je me suis finalement séparée du papa, qui était particulièrement désengagé de notre vie familiale.
Un nouveau rythme à deux
Quand Tess a eu un an, nous sommes parties vivre chez mes parents. La rupture a été particulièrement compliquée. Ma fille ne comprenait pas bien ce qu’il se passait. Par chance, nous avons retrouvé un appartement rapidement et j’ai pu remettre en place ses habitudes : nous avons par exemple conservé la même nourrice, qui était touchée par notre situation.
Très rapidement, ma fille a été suivie par un psychologue pour accompagner ce changement de vie. De mon côté, j’avais déjà pour habitude de gérer seule les plannings, les rendez-vous médicaux, la maison, etc. De cette façon, j’étais simplement plus libre de m’organiser selon mes propres envies.
Quand elle est entrée à l’école, cela m’a bien soulagée sur le plan logistique. Étant aide-soignante à temps plein, il ne m’était pas toujours évident de jongler avec les horaires décalés et les gardes. Tess a été très rapidement autonome du fait de notre vie, on n’était que toutes les deux, on devait y arriver ensemble.
En parallèle de notre vie de famille et de ma vie professionnelle, je devais également gérer le jugement lié à notre séparation avec mon ex-conjoint pour statuer sur la garde de Tess. Entre les jours où il était absent des rendez-vous et les jours où le juge était en grève… L’audience s’est tenue deux ans et demi après notre rupture, c’était très long. J’ai obtenu la garde exclusive de Tess, son père n’étant pas apte à s’occuper d’elle du fait de son alcoolisme.
Suite au jugement, j’ai proposé que Tess aille une fois par mois chez son grand-père afin de pouvoir maintenir un lien avec son père en présence d’un tiers. Ses grands-parents paternels étant séparés, Tess continue également d’aller chez sa grand-mère pendant les vacances scolaires. En plus de maintenir le lien entre eux, cela m’a facilité la gestion de la garde les week-ends où je travaillais.
J’ai mis du temps à me reconstruire suite à cette séparation et à envisager de reprendre ma vie de femme.
Un an et demi après, j’ai fait la rencontre de Christophe sur un site de rencontre
Quand on est maman, il n’est pas toujours évident de faire de nouvelles rencontres autrement. On s’est donné rendez-vous et on a pu constater que nous avions plein de points communs, tels que des proches que nous connaissions tous les deux.
Au début, il venait quand Tess était couchée et partait avant qu’elle se lève. Puis, Tess m’a dit un jour « Comment il s’appelle le monsieur de la lumière ? » : nous étions repérés. Christophe avait très envie de rencontrer Tess et ma fille m’en a également fait la demande. Nous avons ainsi organisé une première rencontre, qui s’est très bien passée.
Christophe vient d’une famille recomposée et n’était pas effrayé par le fait d’intégrer une cellule familiale déjà construite. Petit à petit, il est venu plus régulièrement à la maison, allait chercher Tess à l’école, lui faisait à manger, gérait le dîner, la mettait au lit et la réveillait le matin. Tout cela s’est fait étape par étape.
S’en est suivie la période de Covid, particulièrement compliquée à gérer en tant qu’aide-soignante. Suite à cet épisode où nous nous sommes sentis particulièrement isolés de nos proches, nous avons décidé d’emménager ensemble avec Christophe et de nous rapprocher de notre famille et de nos amis.
Quelque temps après, le père de ma fille est malheureusement décédé. Cela faisait un an que Tess n’avait plus eu de ses nouvelles. Elle n’a pas été très perturbée par sa perte, elle a par ailleurs dit cette phrase qui m’a marquée : « Si papa boit, qu’il ne se soigne pas, c’est normal qu’il finisse par être mort ».
De deux à quatre : la famille continue de s’agrandir
La vie tous les trois se passait bien. Nous avons rapidement parlé d’un deuxième enfant. Tess aussi nous réclamait un petit frère ou une petite sœur, envieuse de ses amies.
Je suis tombée enceinte très facilement ! J’ai profité de l’anniversaire du fils d’une amie pour acheter des cadeaux pour enfant, dont un body. J’y ai enveloppé mon test de grossesse et j’ai glissé le body dans le sac.
Christophe, curieux de découvrir mes achats, a défait les cadeaux et découvert le test caché dans le vêtement. Il m’a dit : « Ce n’est pas un thermomètre ça ! ». Non en effet, ce n’en était pas un, et je pouvais lire sa surprise et son émotion sur son visage.
Une charge mentale plus conséquente en couple qu’en solo
Aussi étonnant que cela puisse paraître, ma charge mentale était bien moins conséquente en tant que maman solo. Avant, j’étais totalement libre de m’organiser comme je le souhaitais, si nous dînions à 20 h au lieu de 19 h ce n’était pas grave. Aujourd’hui, je dois organiser notre vie en fonction des contraintes de Christophe et j’ai le sentiment d’avoir deux personnes à charge.
Ce constat est dû au désengagement progressif de mon conjoint dans la gestion de la vie familiale. Au départ, Christophe aidait à la maison : il passait l’aspirateur, il vidait le lave-vaisselle, et ce sans que j’aie à le lui demander.
Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Je dois organiser toute la vie familiale autour de ses horaires de travail. Par exemple, nous dînons de bonne heure parce que LUI se couche tôt, donc c’est la course tous les soirs ! Les douches de la petite, me laver les cheveux, préparer le dîner… Tout doit être anticipé autour de ses contraintes.
Au-delà du planning familial, je dois absorber toutes les tâches domestiques, sans soutien : il travaille en horaires décalés, rentre à la maison à 13 h et ne prépare pas le dîner. Quand il met son assiette dans le lave-vaisselle, il n’appuie pas sur « ON » pour le démarrer, bien qu’il voie qu’il est plein. Quand il part fumer une cigarette dans le garage et qu’il entend sonner la machine à laver, il ne remonte pas le linge pour autant.
Toutes ces petites actions du quotidien cumulées alourdissent ma charge mentale. C’est un héritage patriarcal qui m’est insupportable.
Cela fait six mois que je fais une grève du linge. Il déteste que ses vêtements soient froissés, mais j’ai décidé de ne plus y toucher. Après les avoir étendus, je les mets dans un panier dans la chambre sans les plier et ils restent là. Il n’est même pas capable de les mettre sur cintre…
Aujourd’hui, je suis à huit mois et demi de grossesse et c’est particulièrement difficile. Je prends en charge tout le ménage. Je dois penser le matin à tout descendre pour ne pas avoir à remonter les escaliers. C’est à moi de tout lui dire, comme de mettre la table par exemple.
Je devais déjà tout penser et organiser quand j’étais maman solo, mais c’était pour deux, à mon rythme. C’était très différent. Aujourd’hui, en plus des missions quotidiennes qui augmentent pour trois, et bientôt pour quatre, je dois me soumettre à des contraintes organisationnelles et penser pour deux. C’est éreintant.