Le harcèlement scolaire constitue un problème d’importance croissante ces dernières années, au point qu’il est devenu un sujet de santé publique. Mais pourquoi est-ce si important ? Comment en parler avec ses enfants ? Que faire ?

De quoi s’agit-il ?

Dan Olweus, pionnier de la recherche clinique sur le harcèlement et ayant mis en place les premiers programmes de prévention, a défini le harcèlement selon trois critères fondamentaux :

  • L’intention de nuire ;
  • Le caractère répétitif ;
  • Le déséquilibre des pouvoirs – qui n’est pas toujours présent dans la violence.

La violence est définie par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) comme « l’utilisation intentionnelle de la force physique, des menaces à l’encontre d’autres personnes, un groupe ou une communauté, qui entraîne ou risque d’entraîner des dommages ».

La différence entre la violence et le « bullying » (terme anglais qui peut se traduire par « harcèlement » ou « persécution ») consiste donc essentiellement dans l’aspect répétitif et le déséquilibre des pouvoirs qui caractérisent le harcèlement.

Pourquoi le harcèlement scolaire est-il un sujet si important ?

Car il est fréquent et induit des conséquences importantes.

En France, près de 12 % des enfants rapportent avoir été victimes de bullying au cours des deux derniers mois. En 2018, une baisse des déclarations de harcèlement avait été recensée en France par l’enquête EnCLASS.

C’est en primaire et jusqu’à 11 ans que le bullying est le plus fréquent, et il diminue ensuite entre 13 et 15 ans. Mais si les épisodes diminuent en fréquence, ils peuvent prendre des formes particulièrement sévères.

L’accès aux écrans et aux réseaux sociaux permet aux jeunes de poursuivre le harcèlement bien au-delà des murs de l’école, ce qui est un facteur supplémentaire à prendre en compte.

Il y a peu de différences entre les garçons et les filles sur l’incidence du bullying. Mais la violence physique concerne plus souvent les garçons (21 %) que les filles (10 %), alors que la tendance est inversée pour les violences à caractère sexuel.

Mais pourquoi les enfants usent-ils du harcèlement ?

Pour comprendre cette question, il faut savoir pourquoi les enfants – comme les adultes d’ailleurs – adoptent et répètent un comportement. Nos comportements ont tous une fonction, ce qui fait que nous n’adoptons en général pas de comportements inutiles. Alors quelles peuvent être les raisons qui poussent des enfants au harcèlement ?

La littérature sur l’intimidation, qui est relativement récente au regard de l’ancienneté de ce phénomène, distingue habituellement quatre types de relations de harcèlement.

Concernant le type d’agresseur, Olweus rapportait des différences entre les agresseurs actifs et les agresseurs passifs. L’initiative du bullying est le fait d’agresseurs actifs, qui associent la violence à un gain. La relation avec les pairs est souvent marquée par la recherche d’une position dominante et humiliante.

Parmi les caractéristiques des enfants fréquemment victimes de bullying, on retrouve des enfants perçus comme différents par leurs pairs (en surpoids, d’une taille inférieure à leur classe d’âge, nouvellement arrivés, etc.). Il peut aussi s’agir d’enfants incapables de se défendre, déprimés ou anxieux, avec une faible estime de soi, isolés socialement, avec peu d’amis. L’apparence physique était la raison la plus fréquemment déclarée comme cause du harcèlement, et notamment le surpoids et l’obésité.

Olweus distingue deux catégories de victimes, qu’il appelle passives et actives. Les victimes passives sont celles dont le repli sur soi et la faible estime de soi en font des cibles de choix. Les victimes actives sont au contraire décrites comme des provocateurs.

L’environnement scolaire et familial a également un rôle important. Une vigilance particulière sur ce sujet et le soutien de la famille et de l’école s’accompagnent d’une incidence plus faible de bullying.

Le rôle des autres enfants, périphériques dans les situations de harcèlement mais néanmoins en interaction entre eux, est d’une importance majeure.

Il y a les élèves qui se joignent au bullying après qu’il a été initié par un autre. Certains enfants peuvent avoir des comportements qui agissent comme « renforçateurs » sur les élèves intimidateurs. D’autres, par leur silence, permettent indirectement au bullying de se poursuivre. Enfin, il existe des élèves « défenseurs » qui agissent activement contre le bullying.

Les phénomènes de groupe influencent les comportements, c’est pourquoi les programmes d’intervention mis en place pour mettre fin à ce type de situation s’adressent en principe à l’ensemble d’une classe.

Les conséquences du harcèlement scolaire

La relation entre harcèlement et conséquences somatiques est bien connue : maux de tête et douleurs abdominales sont le plus fréquemment rapportés.

Mais on rencontre aussi des problèmes graves de santé mentale comme les idées suicidaires (plusieurs exemples de suicides d’adolescents harcelés ont été récemment médiatisés), les dépressions ou les phobies sociales. Ces répercussions peuvent être immédiates et apparaître en même temps que le harcèlement scolaire, ou se manifester bien plus tard dans la vie adulte.

Les différentes études sur les enfants victimes de bullying montrent que les sentiments de solitude, les troubles du sommeil ou les passages à l’acte suicidaire sont plus fréquents que dans le reste de leur classe d’âge. On observe aussi davantage de consommation de tabac, d’alcool, de cannabis, ou encore des comportements sexuels à risque. À cet égard, 40 % des enfants déclarent avoir une excellente santé, contre seulement 29 % des enfants victimes de bullying.

Dans la majorité des pays, les victimes d’intimidation signalent des problèmes de santé plus fréquents et plus importants, et une moindre capacité d’adaptation émotionnelle et sociale. Les relations amicales avec leurs camarades sont de moins bonne qualité.

Les effets néfastes sont remarqués tant pour les victimes que pour les intimidateurs, notamment les conséquences sur la trajectoire scolaire. Les enfants victimes de bullying sont mal à l’aise à l’école, et souhaitent plus fréquemment arrêter leurs études après le lycée. Globalement, les résultats scolaires sont d’autant plus faibles que le harcèlement aura été intense et prolongé.

Harcèlement et handicap

De nombreuses études suggèrent que le handicap augmente le risque d’être exposé à des violences physiques et sexuelles.

Dans l’enseignement primaire et secondaire, on observe que les troubles neuro-développementaux augmentent le risque d’être victime de bullying. Du fait du déséquilibre des pouvoirs que le bullying implique et de la position « sociale » des enfants porteurs de ces troubles, il leur est particulièrement difficile de lutter contre le harcèlement.

L’isolement social que peut impliquer le handicap peut entraîner des répercussions sur le sentiment d’appartenance à l’école, car la qualité des liens avec les pairs est souvent moindre. A contrario, les troubles étiquetés « hyperactivité » peuvent être associés à une augmentation du risque d’être intimidateur.

Dr Guedalia Peretz ASSUIED – Pédopsychiatre à Pau

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