« Je n’ai pas le temps. » C’est peut-être la phrase que l’on entend le plus autour de nous, que ce soit dans un contexte professionnel ou personnel. Dans un monde qui va toujours plus vite, où l’information circule toujours plus rapidement, où nos agendas débordent d’invitations en tout genre, où l’on surcharge notre vie personnelle (pour se rassurer, qu’on se le dise !), le temps devient une ressource inestimable.

Le stress, conséquence de cette course contre le temps

Si un symptôme devait symboliser le XXIᵉ siècle, ce ne serait pas le Covid (quoi que…) mais le stress ! Le stress est l’ensemble des réactions d’un organisme soumis à des pressions ou contraintes de l’environnement, les « stresseurs ».

Le stress apparait pour la première fois dans la littérature en 1956, dans un ouvrage d’Ans Selye intitulé « The stress of life ». C’est un phénomène extrêmement moderne, et qui n’est autre que l’expression symptomatique de cette course au temps.

Et tout le monde en est touché. Selon un sondage Opinion Way, près de 9 Français sur 10 le ressentiront au cours de leur vie. Rien qu’en 2021, une personne sur deux dit avoir ressenti du stress.

Dans un monde dans lequel on cherche toujours plus, c’est quelque chose qui ne semble pas s’améliorer. Preuve en est : on peut acheter des articles du bout du monde et les recevoir en 24 h ; on peut commander son repas et se le faire livrer en 20 minutes ; on peut chercher une aventure d’un soir (ou d’une vie) et la trouver en « swipant »…

Qu’est-ce que ces comportements disent de nous ? On ne sait plus ressentir la frustration, et c’est bien dommage. Finalement, nos relations sexuelles et amoureuses ne sont que le reflet de cette société de consommation.

Le « slow sex »

Diana Richardson est une autrice sud-africaine qui, depuis de nombreuses années, s’intéresse au tantra et à son pouvoir sur la sexualité. Elle publie en 2013 « Slow Sex : Faire l’amour en conscience » aux éditions Almasta.

Mais qu’est-ce que le slow sex ? « Le slow sex, c’est laisser faire le corps en essayant que la tête s’en mêle le moins possible. » Voici, en quelques mots, la définition du slow sex par Jean-François Descombes, coauteur avec Anne Descombes du livre « Le slow sex », s’aimer en pleine conscience », publié en 2019 et basé sur l’approche de Diana Richardson. Dans cette approche, on oublie la recherche de l’orgasme et la performance et on dit bonjour à la découverte de l’autre et de soi-même.

NB : dans le livre, l’approche est hétérosexuelle. Afin de ne pas dénaturer leurs propos, nous resterons donc dans cette optique. Il ne s’agit en aucun cas de discriminer les autres attirances sexuelles et amoureuses.

Ce qui tue la sexualité dans le couple, ce sont les idées toutes faites. Et elles sont nombreuses ! Parmi les plus courantes, citons « Il faut le faire x fois par semaine », ou « Chaque rapport sexuel doit contenir des préliminaires », ou « Je dois faire tel bruit pour exciter mon / ma partenaire ».

Ces idées-là nous enferment dans des schémas, et viennent totalement biaiser et chambouler notre rapport à la sexualité. On ne la voit plus comme une rencontre des corps et des cœurs, mais comme une forme de sport avec des objectifs à atteindre. Les hommes ressentent la pression de la performance quant à la durée du rapport et les femmes, elles, quant au nombre de fois où l’amour sera fait. Nous ne sommes plus dans le qualitatif, mais uniquement dans le quantitatif. Les hommes comme les femmes en sont les grands perdants.

Qu’est-ce que le « slow sex » exactement ?

En quelques mots, il ne s’agit pas de faire l’amour lentement pour se dire qu’on va lentement, mais véritablement de ressentir. Le slow sex cherche à ce que les individus fassent davantage l’amour en conscience, en présence à soi et à l’autre. Il s’agit de ramener notre attention à l’intérieur de nous, dans notre corps, et d’être à l’écoute de nos sensations en faisant l’amour. Dès lors, faire l’amour « en pleine conscience » va entraîner, tout naturellement, un rythme qui ralentit pour nous permettre de ressentir davantage.

Voici les grands principes (qui proviennent du livre) :

  • Être dans le moment présent et ne pas poursuivre l’orgasme à tout prix.
  • Revenir au corps vécu de l’intérieur : se laisser guider par le corps plutôt que par le mental.
  • Se détendre : cultiver la détente dans la sexualité permet de s’ouvrir à soi-même et à son partenaire.

Comment faire concrètement ?

Attention, il ne s’agit pas d’une technique ; c’est un véritable travail à faire pour être plus présent·e, comme la méditation. Au début, nos pensées s’évadent, puis peu à peu, nous apprenons à recentrer sur la respiration. Avec le slow sex, c’est pareil.

Le livre précédemment cité propose plusieurs exercices — en voici deux exemples. Ce sont avant tout des exercices de respiration, qui visent à vous faire ressentir.

Exercice 1 : Ramener son attention du mental vers le corps (exercice à faire en solo)

Idéalement, il faut pratiquer l’exercice en position allongée.

  • Installez-vous confortablement et fermez les yeux.
  • Amenez votre attention à l’intérieur de votre corps.
  • Laissez-la voyager dans votre espace intérieur.
  • Trouvez un endroit où il est facile de maintenir votre attention, où les sensations sont agréables, où vous vous sentez confortable.
  • Cet endroit peut être situé partout dans votre corps, en dessous de la tête.
  • Laissez votre attention se reposer dans cet endroit, comme si vous étiez « arrivé·e à la maison. »
  • Si besoin, mettez votre main sur cet endroit du corps.
  • Ressentez ce qui se passe dans cet endroit, sans rien chercher de spécial, en accueillant ce qui se manifeste dans cet instant, même si ce n’est qu’une toute petite sensation. Laissez votre attention s’ancrer, s’enraciner dans cet endroit.
  • Demeurez encore quelques instants en connexion avec votre monde intérieur.
  • Pour terminer cet exercice, observez comment vous vous sentez : qu’est-ce que ces quelques minutes vous ont apporté ?

Exercice 2 : Respiration simultanée (exercice à faire à deux)

  • Installez-vous confortablement, l’un en face de l’autre.
  • Ramenez votre attention en vous-même et commencez à observer votre respiration sans chercher à la modifier.
  • Puis en restant présent·e à votre respiration, observez la respiration de votre partenaire.
  • Peu à peu, laissez vos respirations s’accorder.
  • Inspirez et expirez ensemble, lentement, profondément, en laissant l’air descendre en direction de votre ventre, de votre plancher pelvien et de vos organes génitaux.
  • Il n’y a pas d’efforts à faire, simplement, restez synchronisé·e avec votre partenaire.
  • Si vous perdez le rythme, prenez un instant pour vous-même, détendez-vous pendant quelques respirations, puis tranquillement, laissez votre respiration s’accorder à nouveau avec celle de votre partenaire.

Au-delà des exercices de respiration, l’objectif est avant tout de ressentir, de faire les choses en pleine conscience et non par réflexe ou par mécanisme. Observez véritablement le corps de l’autre, ressentez sa respiration, ressentez sa présence en vous ou sur vous et concentrez-vous sur vos sensations. Là se trouve la clé du slow sex.

Margaux Terrou, sexologue clinicienne

Publications similaires