Pour aborder une thématique aussi complexe, le mieux est de s’en tenir au dictionnaire :
- « Qualité de quelqu’un qui est fidèle, dévoué, attaché à quelque chose, à quelqu’un » ;
- « Qualité de quelqu’un qui est constant dans ses sentiments, ses affections, ses habitudes » .
Un héritage culturel très présent
Les mots employés pour décrire la fidélité (« dévoué, attaché à l’autre ») nous rappellent notre héritage judéo-chrétien. À la lecture de ces deux définitions, on sent de prime abord ce lien à l’autre, où finalement on oublierait presque qui l’on est, comme une forme de soumission — et pas à n’importe qui, une soumission au divin. On retrouve d’ailleurs cet héritage dans l’étymologie même de la fidélité, puisque le mot vient du latin fidelitas « fidélité, constance », dérivé de fĭdēs « foi, confiance ».
Les premières fois où ce mot apparaît dans la littérature, entre le XIIe et le XVe siècle, il exprime toujours un engagement moral. Jusqu’en 1905 (date de séparation de l’Église et de l’État en France), tout au long de l’Histoire française, « amour » et religion ne cesseront d’avancer ensemble. Il n’est donc pas étonnant que le langage utilisé pour signifier son amour à Dieu soit le même que pour signifier son amour à l’autre.
Autre symbole très marquant, ce fameux « oui » dit avec le cœur dans les églises à la question « Vous promettez-vous fidélité l’un à l’autre ? ». En effet, quoi de plus fort et symbolique que de dire oui devant Dieu ? Jurer fidélité devant le divin est la preuve ultime de l’engagement à l’autre.
Aujourd’hui, bien que l’État ne soit plus lié à l’Église depuis la fameuse loi de séparation, on retrouve cet engagement moral jusque dans nos textes de loi. En effet, dans l’article 212 du Code civil, il est écrit que « les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance ».
La fidélité à soi-même
Le but ici n’est pas de faire un cours sur le catholicisme et ses valeurs, mais plutôt de rappeler que notre héritage culturel sommeille en chacun de nous. Il va venir s’imposer sans que l’on puisse y dire ou y faire quoi que ce soit, au point que certains de nos textes de lois en sont imprégnés.
Mais nous sommes en droit de nous poser cette question : à qui devons-nous la plus grande fidélité ? La réponse est : à soi-même.
Plus que l’autre, la première personne que l’on doit écouter, que l’on doit respecter et que l’on doit honorer, c’est soi-même.
Un couple n’est pas la somme de deux entités pour en créer une nouvelle (le fameux 1 + 1 = 1), un couple est avant tout la création d’une nouvelle entité tout en maintenant l’existence des deux autres (1 + 1 = 3).
Vous ne pouvez pas exister dans votre couple si vous n’existez pas déjà en tant qu’individu. Pour être fidèle à l’autre, pour être fidèle à son couple, il faut d’abord être fidèle à soi-même.
Mais dans ce cas, peut-on justifier chaque tromperie par une volonté égoïste de rester fidèle à soi-même ? Pas tout à fait, puisque lorsque l’on est en couple, on doit être fidèle à soi mais aussi à l’autre : c’est l’harmonie de cette double fidélité qui fera l’harmonie du couple.
La fidélité dans le couple
Dès lors que l’on est fidèle à soi mais pas fidèle à l’autre (en ayant une relation extra-conjugale après avoir passé des années à ne pas être touché·e par son ou sa partenaire par exemple), ou au contraire fidèle à l’autre mais pas fidèle à soi (en bafouant ses valeurs au profit de l’autre par exemple), une dissonance dans la relation va apparaître.
Le risque aujourd’hui, c’est d’aborder la question de la fidélité en surface, uniquement sous le joug de la morale religieuse, avec le fameux « tromper c’est mal ». L’objectif est d’aller au-delà de la question morale et de s’interroger véritablement sur son couple, sur la question du respect, sur la question de l’identité et sur la question des valeurs communes.
La tromperie n’est que la résultante finale d’un dysfonctionnement dans le couple, et pour la prévenir ou la guérir, le meilleur moyen reste la communication.
Derrière la question de la fidélité, se cache la perception de l’autre sur sa vision de l’adultère. Nous avons toutes et tous une vision très personnelle sur cette question. Par exemple, certaines personnes vont considérer que flirter par message c’est déjà tromper. Pour d’autres, l’adultère commence en s’inscrivant sur un site de rencontres. Pour d’autres encore, il démarre dès que l’on y songe…
Chaque couple est régi par un contrat implicite sur la façon de se comporter, la façon de faire, le déroulé des actes érotiques, etc. Trop souvent, la question de la fidélité n’est pas abordée puisqu’elle apparaît comme implicite (le fameux héritage judéo-chrétien !). Or, cette question mériterait une conversation à part entière. Ainsi, le jour où une infidélité est constatée, chaque personne saura que celle-ci a été faite en âme et conscience puisque les règles du jeu avaient été fixées.
La recommandation du sexologue
Le mieux est d’échanger avec son ou sa partenaire sur ce qu’est la fidélité et de s’ouvrir honnêtement avec des questions comme :
- Que veut dire tromper pour toi ?
- À partir de quel moment considères-tu qu’il s’agit d’une tromperie ?
- De mon côté, quand je pense à la tromperie, je pense à…
- Si jamais je ressens du désir pour quelqu’un d’autre que toi, souhaites-tu que je te le dise ?
- Comment souhaites-tu que je t’en parle ?
Margaux Terrou, sexologue clinicienne