La séparation

La séparation dans un couple est toujours douloureuse. Elle fait suite à des tensions, à des différends passés et actuels, voire à de véritables conflits. Elle est souvent subie par l’un des deux membres du couple et elle peut générer de la tristesse, de l’anxiété et de la colère. Parfois, la personne qui est active dans la séparation peut également réagir par des émotions vives, parce qu’elle regrette que les choses ne se soient pas apaisées dans la relation.

À cela s’ajoutent les tensions que vont engendrer la séparation ou le divorce. Les enjeux autour de la garde des enfants, les reproches et les tensions accumulés peuvent ressurgir au moment des débats. Il peut être indispensable de se faire accompagner par des médiateurs, des thérapeutes, et/ou de passer par le juge des affaires familiales afin de remettre au cœur des discussions l’intérêt des enfants.

La coparentalité

Une séparation familiale

Lorsqu’un ou plusieurs enfants sont nés de cette union, la séparation amoureuse est aussi l’occasion d’une séparation familiale. Le couple conjugal n’est plus, ce qui donne lieu à une séparation physique des deux parents. Néanmoins, le couple parental doit continuer à exister et on parle alors de coparentalité.

De nos jours, il est fréquent que les deux parents aient les mêmes droits et devoirs sur leur enfant, comme l’exercice partagé de l’autorité parentale. En cas de séparation ou de divorce, les deux parents peuvent donc faire reconnaître leurs droits et il est désormais habituel que les enfants bénéficient d’une garde alternée chez chacun de leurs parents.

Mais la façon dont les coparents vont gérer la séparation est parfois très complexe. Le contexte, le fait d’avoir rencontré ou non une nouvelle personne, l’emprise éventuelle d’un des membres du couple… Tout cela peut compliquer la séparation et la coparentalité.

Les intérêts de l’enfant

Il est pourtant nécessaire que la séparation se fasse en pensant aux intérêts de l’enfant, afin qu’il puisse retrouver un équilibre. Cela suppose le fait de maintenir une relation cordiale et de pouvoir s’entendre sur les points essentiels : son éducation, sa santé, sa sécurité et son bien-être général.

Il est souvent difficile de revoir son ex-partenaire, mais il est indispensable de privilégier les besoins de son enfant. Celui-ci sera rassuré de voir que ses parents communiquent et que le lien n’est pas rompu.

Il est évident que ces conseils sont à penser dans le cadre des situations de séparations « classiques », et non pas en cas de situations de violences conjugales. Dans ce dernier cas, le Juge des Affaires Familiales peut demander à ce que le parent victime ne soit plus en contact avec le parent violent.

Dans les cas de séparation « classique », le rôle de chaque parent est maintenu, ainsi que son lien à l’enfant. L’enjeu va alors être de pouvoir s’accorder sur ce qui sera dit à l’enfant de la séparation, de son changement de mode de vie (habitation mais aussi potentiel remariage d’un de ses parents), et qu’un nouvel équilibre puisse se penser pour la famille.

Ce changement crée un énorme bouleversement dans la vie de l’enfant, surtout lorsque le cocon familial qu’il connaît n’existe plus. La séparation n’a souvent pas de sens pour l’enfant (parfois, elle n’en a guère plus pour les parents !). Il s’agit de trouver les mots pour aborder ce sujet et le rassurer sur le lien que vous préserverez avec lui.

Le ressenti de l’enfant

L’impossibilité de communiquer entre parents va forcément se ressentir du côté de l’enfant. Tous ses repères ayant déjà été bouleversés, il faut veiller à ce qu’un temps d’échange puisse exister afin qu’il puisse se confier sur ses craintes.

Il y a un risque que l’enfant soit pris à parti par l’un des deux coparents, et se trouve alors instrumentalisé dans le cadre des conflits de couple ou des nouvelles unions des parents. Il y a également un risque qu’il soit pris dans des conflits de loyauté entre ses deux parents, ayant l’impression de trahir l’un des deux s’il se sent bien chez l’un ou s’il apprécie la compagne de l’autre, par exemple.

L’ambiance à la maison a un réel impact sur l’équilibre de l’enfant. La situation est d’autant plus complexe qu’il est difficile pour un enfant d’exprimer son mal-être, soit parce qu’il est justement pris dans ce conflit de loyauté, soit parce qu’il a l’impression que ses parents sont déjà obnubilés par les questions de séparation.

L’âge de l’enfant est également à prendre en compte et certains symptômes passeront plutôt par le corps à certains moments de vie (difficultés de sommeil, agitation, régressions…).

L’enjeu pour les parents est de rassurer l’enfant sur sa peur d’être abandonné ou de ne plus être aimé (« Si tu peux arrêter d’aimer maman, est ce que tu arrêteras de m’aimer un jour ? »). Ce qui est dit est primordial, mais n’oublions pas que les enfants sentent et voient aussi ce qui se passe. Contrairement à ce que l’on peut croire, ils ne sont jamais « trop petits » pour comprendre et il vaut mieux nommer les faits que de laisser des enfants fantasmer sur ce qui est en train de se passer.

Des problèmes d’adultes

Il est très important de ne pas critiquer l’autre parent devant l’enfant ou à proximité de lui (au téléphone par exemple). Il doit continuer à bénéficier d’une image valorisée de ses deux parents, tout comme de lui-même puisqu’il se pense comme le lien entre les deux membres du couple.

Les enfants n’ont pas à endurer nos problèmes d’adultes. Pourtant, on a bien souvent en consultation des enfants qui auraient pour mission, consciente ou inconsciente, de « soigner » – ou tout du moins de réparer – leur parent par rapport à la séparation. L’enfant a déjà beaucoup à assimiler et il ne doit pas devenir le pilier de son parent, tout comme il ne peut pas partager son lit puis le quitter au gré des nouvelles unions du parent.

La coparentalité pose la question des autres adultes dans la vie de l’enfant. Il arrive que l’un des membres du couple revienne vivre chez ses propres parents, confiant généralement à sa propre mère le rôle maternel auprès de ses enfants. Nous entrons alors dans une confusion des générations quant aux rôles et places de chacun.

Lorsque les pères ont une compagne et qu’ils obtiennent la garde alternée, c’est la plupart du temps à la compagne que cette fonction est dévolue, dans les soins de la vie quotidienne par exemple. Cela peut aussi poser la question de la place de chacun.

Conclusion

Au fond, l’enfant ne saisit pas pourquoi ses parents se sont séparés, ne possédant pas de modèle identificatoire pouvant l’expliquer. Il se dispute et se réconcilie avec ses copains d’école, mais il lui est difficile de transférer ce modèle aux adultes, et encore moins à ses parents.

Lui, il les aime, alors pour quelles raisons ne peuvent-ils plus s’aimer ? L’absence de logique et la difficulté que rencontrent parfois les adultes à aborder ces sujets « pour ne pas le traumatiser » vient rendre difficile pour l’enfant l’acceptation de la séparation, parce qu’il ne l’aura pas initialement comprise.

Mettre du sens sur ce que chacun vit au sein de l’ex-couple conjugal, au sein du couple parental qui va perdurer, et surtout auprès de l’enfant est l’enjeu majeur d’une séparation et d’une coparentalité. Ses parents ne s’aiment plus, mais pourtant leur amour a été la condition de son existence. Il y a souvent une confusion entre l’amour sentimental et l’amour parental, et naissent alors des peurs d’abandon.

L’enfant continue à aimer ses parents et à être aimé par chacun d’eux séparément, mais il ne l’est plus par ce couple fondateur. Il ne pourra plus avoir que des relations en face à face avec chacun de ses parents, sans triangulation possible désormais. Ses parents seront eux-mêmes pris par d’autres liens d’amour, avec un autre adulte, avec d’autres enfants. Penser ces liens en tant qu’adultes, en tant que couple parental, puis les expliquer sereinement est la condition d’une coparentalité apaisée.


Lucille Cloarec, psychologue

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