Le témoignage d’Irène
« Ces troubles ont impliqué de nombreuses conséquences dans ma vie : je me suis toujours sentie anormale, différente, tout le temps nulle. J’avais toujours le sentiment de ne jamais réussir. »
Je m’appelle Irène, j’ai 35 ans et j’attends une petite fille qui naîtra dans un mois. Je suis l’aînée d’une fratrie de cinq enfants et nous avons tous des troubles Dys plus ou moins sévères dans ma famille. Mon père est également Dys mais il n’a jamais été diagnostiqué et accompagné. À l’époque, c’était encore moins bien repéré qu’aujourd’hui. Je ne sais pas si ma fille développera également des troubles Dys.
J’ai été diagnostiquée au CP. À cette même période, mes parents ont divorcé. C’est une période perturbante pour un enfant et comme ce n’était pas stable au quotidien, il m’était plus difficile de m’ancrer scolairement.
Avant que ma maîtresse ne fasse part de ses observations à mes parents, ils souhaitaient m’orienter en classe Segpa, ne comprenant pas mes difficultés et cherchant des solutions. Heureusement, je n’y suis pas allée, ça aurait été la noyade totale. Aujourd’hui, je pense que j’aurais été plus heureuse dans une école Montessori, mais à l’époque, il n’y en avait que très peu et surtout, c’était hors de prix.
Suite à un premier bilan, j’ai été suivie pendant 10 ans dans un CMPP (Centre médico-psycho-pédagogique), puis en 6ème, j’ai fait 5 ans d’accompagnement avec une orthophoniste. Je suis multidys : dyslexique, dysorthographique, dyscalculique, dysphasique et dysgraphique, ce qui a vraiment compliqué ma scolarité.
J’ai redoublé mon CP, ma 4ème et en fin de 3ème, on m’a orientée en parcours professionnel. Ces troubles ont impliqué de nombreuses conséquences dans ma vie : je me suis toujours sentie anormale, différente, tout le temps nulle. J’avais toujours le sentiment de ne jamais réussir.
J’avais de grandes difficultés scolaires : lorsque j’avais deux de moyenne en maths, j’étais contente ! J’ai développé une réelle phobie scolaire : j’avais constamment peur d’échouer. C’était très dévalorisant, ça a vraiment impacté mon estime personnelle.
Au collège, soit on suit, soit on coule. Les professeurs n’ont pas le temps et ne sont pas formés pour accompagner des élèves Dys. J’avais des 0 à tous mes contrôles, ils retiraient des points à chaque faute d’orthographe, ça a fini par totalement me décourager. Quelques professeurs ont été compréhensifs, mais ils étaient minoritaires. La plupart du temps, j’étais installée au fond de la classe et je m’occupais autrement, puisque de toute façon, je ne comprenais pas les consignes.
Comme tout élève, certaines matières me plaisaient plus que d’autres, notamment les cours d’histoire. Je me passionnais pour ces cours, qui étaient très visuels. En revanche, les devoirs ne suivaient pas. Je les faisais sans les faire, je n’y mettais aucune volonté, je n’arrivais pas à me concentrer. Il aurait fallu que je sois accompagnée tous les soirs pour les faire, mais ce n’était pas possible.
En fin de troisième, j’ai été orientée vers un BEP Sanitaire et social. Il y avait un socle de matières essentielles, comme les mathématiques, mais c’était concret : je savais pourquoi je le faisais. Ça avait bien plus de sens pour moi, je me sentais motivée et mes notes s’amélioraient. Les professeurs donnaient des cours à des élèves qui sortaient du système scolaire traditionnel, ils étaient mieux formés et plus attentifs aux difficultés de chacun. En parallèle, je bénéficiais d’un soutien scolaire le soir.
À 20 ans, je suis donc entrée dans le monde du travail en tant qu’assistante maternelle. Il fallait vraiment que je sorte des structures scolaires ! La vie professionnelle a été bien plus facile à aborder. C’était concret, mais surtout humain ! J’étais très jeune pour gérer des enfants de 2-3 ans et pourtant, j’étais bien plus à l’aise qu’à l’école.
C’est davantage dans ma vie personnelle que mes troubles me handicapent encore. J’ai toujours du mal à lire des textes, à les comprendre, ce qui rend la gestion administrative très compliquée. Par exemple, j’ai besoin de l’aide de mes proches pour déclarer mes impôts. Au travail, j’ai jusqu’à présent eu la chance de pouvoir compter sur des employeurs qui géraient toute la partie administrative.
Je suis actuellement enceinte de 9 mois. Suite à la naissance de ma fille, je vais suivre une formation complémentaire pour devenir assistante maternelle à domicile. Je m’inquiète pour la partie administrative : est-ce que je vais réussir à m’organiser correctement avec les parents ? J’espère pouvoir compter sur des applications mobiles pour m’aider.
La composante la plus importante liée à mon trouble est réellement l’impact que cela a eu sur le développement de mon estime personnelle. Ce que j’aimerais dire aux parents d’enfants ayant des troubles Dys, c’est combien il est important de les rassurer sur leurs capacités d’apprentissage, de leur dire que ce sont des personnes comme les autres, tout aussi intelligentes et pleines de ressources !
Se sentir différent est vraiment pénible à porter. Le soutien des parents est essentiel, mais il est aussi indispensable que les professeurs soient mieux formés pour accompagner les enfants Dys pour une scolarité sereine.