Le baby blues est un état émotionnel intense, touchant les femmes qui viennent d’accoucher. On l’observe très fréquemment lors des séjours en maternité car il apparaît le plus souvent 48 à 72 heures après l’accouchement. Il toucherait entre 50 et 80 % des femmes et c’est un état réversible et transitoire.

Les symptômes du baby blues

Il s’agit d’un afflux d’émotions en lien avec l’arrivée du bébé. La jeune maman ressent souvent une hypersensibilité et elle peut passer d’un état euphorique à une crise de larmes en quelques minutes. Elle peut également se sentir plus anxieuse que d’ordinaire et évoque la sensation d’être plus irritable. Par exemple, la moindre remarque d’un membre de l’équipe de la maternité ou d’un proche pourra déclencher un ressenti de colère.

Les mères n’arrivent plus à contrôler leurs émotions et se sentent parfois ridicules, voire culpabilisent de ces changements d’humeur inattendus. Elles ont également l’impression d’être débordées, de ne pas être à la hauteur, n’arrivent plus à se concentrer et ont des difficultés pour s’endormir ou pour s’alimenter. Elles sont envahies par les pensées et n’arrivent plus à se poser et se reposer.

Les symptômes du baby blues sont néanmoins variables d’une femme à une autre. C’est un épisode souvent déstabilisant pour la maman, le coparent et leurs proches, mais il se résout la plupart du temps en quelques heures.

La fatigue, l’une des principales causes du baby blues

Le baby blues a fait l’objet de nombreuses études et a été décrit dès le XIXe siècle. On sait aujourd’hui que de multiples hypothèses peuvent l’expliquer. En effet, il est souvent attribué à des causes hormonales, physiologiques et psychologiques.

L’une des causes les plus fréquemment repérées est la fatigue. En effet, la grossesse et notamment le troisième trimestre a pu engendrer des troubles du sommeil, voire des insomnies chez certaines femmes. À cela s’ajoutent les longues heures du pré-travail, l’accouchement et les symptômes du post-partum immédiat.

Pourtant, les femmes décrivent souvent une sensation d’euphorie à la rencontre de leur bébé et ne ressentent pratiquement pas de fatigue dans les premières 24 heures qui suivent l’accouchement. Il faut généralement attendre les premières nuits passées avec le bébé et les fréquents réveils associés pour que les mères ressentent cette sensation d’épuisement. Cela diffère donc leur besoin de se reposer après l’accouchement, et la fatigue a alors tendance à s’accumuler.

À cela peut s’ajouter la mise en place de l’allaitement, qui demande énormément d’énergie aux mères concernées. Même si elles sont très entourées, il est difficile pour les coparents de relayer les femmes sur ce choix d’alimentation. Elles ont donc moins d’occasions de se reposer.

Enfin, très peu de femmes parviennent à dormir en milieu hospitalier. Même si l’équipe fait de son mieux pour aménager des périodes de calme, la journée est rythmée par les visites des soignants, puis de l’entourage. Les mères accumulent de la fatigue et sont épuisées quand arrive le soir, moment où les nouveau-nés sont le plus en demande et où les coparents rentrent chez eux.

En maternité, les nuits sont donc souvent le moment où les mères craquent et il ne faut pas hésiter à solliciter les équipes qui sont habituées et formées. Le fait d’échanger, de se faire rassurer sur la normalité de cet état et surtout de déculpabiliser, peut permettre à la mère de s’autoriser à dormir quelques heures.

La chute hormonale est également évoquée : après l’accouchement et la délivrance du placenta, le taux d’hormones progestatives chute brutalement et provoque une baisse du tonus chez la femme. Cela intensifie alors l’épuisement physique.

Les causes psychologiques

Les causes psychologiques sont également nombreuses. Les psychiatres et psychologues décrivent la grossesse comme une « crise » qui fait naître de nombreuses angoisses liées à l’arrivée du bébé, au fonctionnement du couple et à ce que chacun a vécu dans sa propre histoire. Quelle mère ai-je eue ? Quel enfant ai-je été ? Quels parents souhaitons-nous être ? De nombreux souvenirs liés à l’enfance peuvent traverser les rêves et les pensées de la femme enceinte.

À cela s’ajoute la sensation de ne plus rien maîtriser : ni son corps, ni ce qu’il va se passer à l’accouchement. Ce manque de contrôle, inhabituel dans nos vies citadines du XXIe siècle, est assez déroutant et souvent source de stress. L’arrivée réelle du bébé provoque certes un grand bonheur, mais les femmes craquent souvent car la naissance coïncide avec un épuisement physique et hormonal qu’elles ont rarement expérimenté. De plus, cela se produit alors qu’elles souhaitent être le plus compétentes possibles. Elles sont donc le plus souvent déstabilisées de ne pas pouvoir faire « ce qu’elles avaient prévu ».

Elles prennent également conscience du rythme réel de leur bébé. Son extrême dépendance, sa vulnérabilité, et ses besoins fréquents peuvent donner une sensation de vertige à certains parents et la crainte de ne pas être à la hauteur peut se réactiver. Dans le post-partum immédiat, il est très difficile de trouver une organisation fluide : cela vient plus tard et souvent au retour à domicile. Cela peut inquiéter les jeunes parents et les faire douter de leurs compétences parentales.

Or, il est parfaitement normal de ne pas savoir s’y prendre au début ! Le séjour à la maternité est conçu pour répondre aux questions des parents et pour leur permettre de commencer à comprendre leur bébé… qui change très rapidement au début. Surtout, dites-vous que vous faites de votre mieux et que vous apprenez comme tout le monde, mais que cela demande du temps et du repos pour assimiler tout ce que vous avez déjà appris.

Enfin, il ne faut pas oublier que les femmes ont été enceintes pendant neuf mois et se sont progressivement habituées à cet état. L’accouchement et la mise au monde viennent mettre un terme à la grossesse, ce qui peut chambouler certaines mamans « qui ne se sentent pas prêtes ». Le baby blues peut alors être compris comme le passage de l’état de grossesse à la parentalité.

« L’intérêt » du baby blues

Dans nos sociétés, il est mal vu de « craquer », d’exprimer des émotions, de ne pas être dans le contrôle de ses sentiments. Ce baby blues peut donc inquiéter beaucoup de patientes et leurs proches.

Mais les études ont montré que le baby blues permet souvent aux jeunes mamans de s’adapter encore mieux au rythme de leurs bébés. En effet, il permettrait de s’ouvrir aux échanges avec le nouveau-né et le coparent, et de finalement s’organiser et se relayer de manière plus fluide. On aurait ainsi mieux conscience des besoins de chacun. Il y aurait comme une mise en phase plus primaire aux besoins du bébé. Les mères seraient alors moins dans le contrôle et dans l’intellectualisation, et le baby blues permettrait de ressentir au plus profond d’elles-mêmes les états émotionnels du bébé.

Même si cet état est réversible et fréquent, et le plus souvent utile et positif, il ne faut pas hésiter à en parler aux équipes. Cela peut permettre de comprendre ce qui est en train de se passer, de se reposer au mieux et de limiter les temps de visite. C’est également l’occasion de trouver une organisation moins rigide au domicile, car plus orientée vers le rythme et les besoins du nouveau-né.

Néanmoins, si ce blues perdure plus de dix jours, il est nécessaire d’en parler rapidement à la PMI, à la sage-femme libérale, au pédiatre du bébé ou à l’équipe de la maternité. Il peut parfois s’agir de l’apparition d’une dépression du post-partum, qu’il faut alors traiter au plus vite.

Lucille CLOAREC
Psychologue clinicienne
Saint Cloud

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