Vous avez peut-être remarqué que votre bébé pleure ou semble inquiet lorsque vous sortez de son champ de vision. Cette réaction peut être déconcertante, mais elle est parfaitement normale. Elle est liée à un concept fondamental du développement cognitif : la permanence de l’objet. Que signifie-t-il exactement ? Et comment accompagner son enfant dans cette étape importante ?

La permanence de l’objet : qu’est-ce que c’est ?

La permanence de l’objet, c’est le fait de comprendre qu’un objet ou une personne continue d’exister, même lorsqu’il ou elle n’est plus visible. Pour les bébés, cette notion n’est pas innée. Ils développent cette capacité progressivement au cours des premiers mois de leur vie.

Imaginez un jeu de cache-cache avec un jouet : lorsqu’un enfant commence à chercher un objet caché, cela montre qu’il commence à comprendre que cet objet n’a pas disparu pour de bon. Ce concept est essentiel pour le développement cognitif, car il pose les bases de la mémoire, de la compréhension spatiale et des relations sociales.

La permanence de l’objet est également une étape clé dans le développement de la conscience de soi et de la relation à l’autre. En apprenant que les objets et les personnes continuent d’exister même en leur absence, l’enfant commence à comprendre que le monde est un environnement stable, où les choses ne disparaissent pas de manière arbitraire.

Comment développer la permanence de l’objet de mon bébé ?

Jouer à cache-cache

Cachez-vous derrière un meuble ou un rideau, puis réapparaissez en souriant. Ce jeu aide votre enfant à comprendre que vous êtes toujours là, même s’il ne vous voit pas.

Utiliser des jouets interactifs

Les jeux où l’on cache un objet sous une boîte ou une couverture sont parfaits pour stimuler la curiosité et la réflexion de votre bébé. Ce type de jeu encourage l’enfant à explorer et à comprendre que les objets peuvent être retrouvés. Inspirées des principes Montessori, certaines boîtes éducatives proposent des blocs colorés à insérer dans des ouvertures adaptées, offrant une expérience sensorielle qui aide l’enfant à explorer, résoudre des problèmes et comprendre cette notion essentielle.

Introduire des rituels

Si votre enfant a du mal à vous voir partir, comme au moment de la sieste ou du coucher, mettez en place un rituel rassurant. Un câlin ou un mot doux avant de quitter la pièce peut aider à réduire son anxiété. Ces rituels ancrent dans sa mémoire une sensation de sécurité.

Impact sur le développement affectif et social

La compréhension de la permanence de l’objet joue un rôle essentiel dans plusieurs aspects du développement de l’enfant :

  • L’angoisse de séparation : Cette étape, fréquente vers 8-12 mois, est directement liée à la permanence de l’objet. L’enfant, conscient que ses parents existent même en leur absence, peut ressentir de l’anxiété lorsqu’il ne les voit pas.
  • Les relations sociales : En comprenant que les personnes reviennent après une absence, l’enfant peut construire des relations affectives solides basées sur la confiance.
  • Le développement de la mémoire : La permanence de l’objet est un précurseur des compétences de mémoire et de planification, essentielles dans l’apprentissage.
  • Les stades de développement de la permanence de l’objet (selon Piaget)

    Le psychologue suisse Jean Piaget a consacré une partie importante de son travail à l’étude du développement cognitif des enfants. Selon lui, la permanence de l’objet est une compétence acquise progressivement au cours des six stades du développement sensorimoteur :

    Réflexes innés (0-1 mois)

    Le nouveau-né réagit principalement grâce à ses réflexes, comme la succion ou la préhension. À ce stade, il n’a pas encore conscience des objets autour de lui ni de leur existence indépendante.

    Réactions circulaires primaires (1-4 mois)

    L’enfant commence à découvrir son propre corps et à répéter des actions plaisantes, comme sucer son pouce. Cependant, son attention est centrée sur lui-même et il ne perçoit pas encore l’existence des objets en dehors de son champ d’interaction immédiat.

    Réactions circulaires secondaires (4-8 mois)

    Entre 4 mois et 8 mois, l’enfant commence à explorer activement son environnement. Par exemple, il peut secouer un jouet pour produire un bruit agréable. Si un objet disparaît de son champ de vision, il peut montrer de l’intérêt mais ne cherchera pas à le retrouver.

    Coordination des schèmes secondaires (8-12 mois)

    L’enfant commence à comprendre que les objets cachés continuent d’exister. Si vous cachez un jouet sous une couverture, il tentera de le retrouver. C’est la première véritable manifestation de la permanence de l’objet, bien qu’elle reste encore imparfaite.

    Réactions circulaires tertiaires (12-18 mois)

    De 12 mois à 18 mois, l’enfant devient un expérimentateur actif. Il commence à explorer de nouvelles manières de chercher des objets et peut anticiper où un objet pourrait être caché, même s’il ne l’a pas vu être déplacé.

    Invention de nouveaux moyens par combinaison mentale (18-24 mois)

    L’enfant acquiert une compréhension complète de la permanence de l’objet. Il est capable de se représenter mentalement un objet ou une personne absente et peut chercher un objet dans un endroit précis plusieurs heures après l’avoir vu pour la dernière fois.

    Méthodes d’évaluation de la permanence de l’objet

    Les expériences classiques de Piaget

    Piaget utilisait des tâches simples pour observer la permanence de l’objet : par exemple, il cachait un jouet sous une couverture et observait si l’enfant le cherchait. Ces expériences ont permis de structurer les stades qu’il a décrits.

    Les méthodes modernes : la transgression des attentes

    Des chercheurs contemporains comme Renée Baillargeon ont utilisé des techniques plus sophistiquées, notamment la méthode de transgression des attentes. Cette approche mesure l’intérêt visuel d’un bébé lorsqu’un objet semble disparaître dans des conditions impossibles. Ces recherches ont suggéré que la compréhension de la permanence de l’objet pourrait apparaître bien plus tôt que Piaget ne l’avait estimé, dès 3 à 4 mois.

    Avantages et limites de chaque méthode

  • Les expériences de Piaget : accessibles et faciles à reproduire, elles permettent de visualiser clairement les progrès de l’enfant. Cependant, elles sous-estiment peut-être les capacités des nourrissons en raison de leurs limites motrices.
  • Les méthodes modernes : elles révèlent des capacités cognitives précoces, mais nécessitent des équipements sophistiqués et sont moins accessibles pour les parents.
  • Quand s’inquiéter ?

    Si, passé 18 à 24 mois, votre enfant ne semble pas chercher des objets cachés ou réagit fortement à votre absence, il peut être utile d’en parler à un professionnel. Ces comportements ne sont pas nécessairement alarmants, mais un avis médical peut aider à identifier des besoins spécifiques ou à écarter d’autres causes potentielles.

    N’hésitez pas à utiliser l’application Malo pour accéder à des conseils personnalisés et des questionnaires de santé gratuits pour suivre l’évolution de votre enfant.

    Accompagner un enfant dans cette phase demande de la patience et de la persévérance, mais les résultats en valent la peine. Ces moments où il comprend que le monde est stable, même lorsque tout semble en mouvement, sont magiques. Continuez d’observer, d’encourager et de célébrer chaque petite victoire. Et surtout, souvenez-vous que chaque enfant a son propre rythme. Vous êtes là pour l’accompagner, un pas à la fois.

    Les questions des parents

    À quel âge mon bébé comprend-il la permanence de l’objet ?

    La compréhension débute souvent entre 6 et 8 mois et se consolide vers 18 mois. Chaque enfant progresse à son rythme.

    Comment savoir si mon enfant développe cette capacité ?

    Observez s’il recherche des objets cachés. Essayez de cacher un jouet sous une couverture pour tester sa réaction. S’il cherche activement, c’est un bon signe.

    Que faire si mon enfant montre de l’anxiété en mon absence ?

    Rassurez-le avec des rituels et des mots doux. Par exemple, une phrase simple comme « Je reviens bientôt » peut suffire. S’il semble très inquiet, parlez-en à un professionnel.

    Pour aller plus loin :

  • Permanence de l’objet selon Piaget
  • Permanence de l’objet et développement cognitif
  • Chapitre sur la permanence de l’objet
  • Publications similaires