La DME, également nommée « finger food » par les Anglo-Saxons, nous vient d’Outre-Manche. C’est une méthode de diversification alimentaire qui consiste à laisser l’enfant libre de choisir ce qu’il souhaite parmi un certain nombre d’aliments posés devant lui. Les pédiatres sont régulièrement sollicités par les parents pour mettre en place la DME chez leur enfant. Quels sont les aspects positifs de cette technique ? Quelles précautions faut-il observer ? NB : si vous prévoyez d’allaiter exclusivement votre enfant jusqu’à ses 6 mois, voire au-delà, la DME ne vous concernera pas dans l’immédiat – mais vous pouvez ensuite opter pour cette manière de diversifier son alimentation. Il est également tout à fait possible de continuer à allaiter tout en démarrant une DME. D’ailleurs, dès 5-6 mois, les nourrissons éveillent leurs sens et ont parfois envie de tester ce que mange leur entourage !

En quoi consiste la DME ?

Il s’agit pour l’enfant d’exercer son choix parmi les aliments posés devant lui. Voici les conditions nécessaires à sa mise en place :
  • Les aliments doivent être d’une texture suffisamment molle pour que l’enfant ne se blesse pas la bouche et puisse les mâcher, même s’il a encore peu de dents. Donc pas de bâtonnets de carottes crues, ni de chou-fleur cru, beaucoup trop durs à cet âge !
  • Mieux vaut éviter les aliments transformés : gâteaux sucrés, chips, etc.
  • L’enfant doit pouvoir se tenir parfaitement assis sans votre aide et être capable de porter les aliments à la bouche, de les mâcher et de les avaler sans difficulté. Ce stade est généralement atteint vers l’âge de 6 à 7 mois (chez les bébés nés à terme et qui ne présentent pas de troubles du neurodéveloppement).
  • Le nombre de dents importe peu puisque les aliments qui sont proposés peuvent être « mâchés » avec les gencives nues.
  • Les aliments doivent être présentés dans des assiettes incassables.
  • Les aliments doivent être coupés en gros morceaux que l’enfant pourra saisir avec sa main, donc idéalement sous forme de bâtonnets ou de lanières plus grandes que sa main de manière à ce que l’aliment dépasse.
  • Enfin, le risque de fausse route n’est pas nul : l’enfant ne doit jamais être seul au moment de son repas. Dans l’idéal, l’adulte présent devrait être formé aux gestes de premiers secours.

Quels aliments proposer pour la DME ?

  • Des fruits qui fondent facilement dans la bouche : poires, fraises, abricots, pêches, etc. ;
  • Des légumes cuits : carottes, haricots verts, courgettes, choux-fleurs, cœurs d’artichaut, etc. – mais pas de petits pois, qui risquent d’aller directement dans la trachée ;
  • Des grosses pâtes (gros macaronis par exemple) ;
  • Des lanières de viande (poulet par exemple) ;
  • Des boulettes de poisson ;
  • Du pain, en évitant une croûte trop dure qui peut blesser les gencives.

Quels sont les avantages de la diversification menée par l’enfant ?

Cette technique permet à l’enfant d’acquérir une autonomie plus précoce, dès lors qu’il exerce son choix tout seul et maîtrise son alimentation. Il semble que la DME réduise l’incidence des néophobies alimentaires. Il s’agit des phobies que les enfants (dès 18 mois et jusque tard dans l’enfance) peuvent développer à l’encontre d’aliments nouveaux, de textures nouvelles, d’aliments d’une couleur précise, etc. La possibilité de toucher, de malaxer, de sentir, d’écraser dans la bouche permet à l’enfant d’apprivoiser facilement les textures nouvelles et d’intérioriser la notion que les aliments sont divers et de densité différente.

Quels sont les inconvénients de la DME ?

Une problématique d’équilibre nutritionnel

La DME est accusée d’être responsable d’un déficit d’apport calorique, d’une insuffisance d’apports en vitamine B12, en fer et en huiles végétales (qui apportent les omégas 3 et 6, essentiels pour le bon développement cérébral) — mais en revanche d’un excès d’apport en sel. Une DME dite « améliorée » peut permettre de pallier ces inconvénients :
  • Les protéines animales permettent de suppléer aux carences en vitamine B12 et en fer.
  • Une cuillère à soupe d’huile végétale (noix, colza, soja ou olive) sur les aliments apporte les omégas 3 et 6.

Une préférence pour les aliments sucrés

Pour l’enfant, le fait de choisir ce qu’il préfère peut l’orienter vers une alimentation qui privilégie des aliments sucrés, comme les fruits. Rappelons que dès la naissance, un enfant aime naturellement le goût sucré.

Le risque de fausse route

La présence d’un adulte est indispensable pour surveiller une éventuelle fausse route. La manœuvre de Mofenson permet, grâce à quelques tapes fermement appliquées dans le dos de l’enfant (celui-ci étant posé la tête basse, ventre contre l’avant-bras de l’adulte), de faire sortir l’aliment qui bloque la respiration.

Les allergies alimentaires

C’est sûrement la question qui fait de la DME un sujet polémique dans le corps médical. Les études démontrent qu’un allergène alimentaire sera d’autant mieux toléré qu’il aura été introduit tôt dans l’alimentation de l’enfant. L’exemple le plus emblématique est celui des allergies aux arachides (qu’on interdit souvent avant l’âge de 3 ans), qui s’avèrent 10 fois moins fréquentes chez les enfants à qui l’on aura donné du beurre de cacahuètes bien plus tôt. Il semble exister ce que l’on appelle une « fenêtre de tolérance », entre 4 et 6 mois, pendant laquelle les aliments potentiellement allergéniques seront les mieux tolérés chez l’enfant. Mais justement, cette fenêtre s’ouvre alors que l’âge de la DME (6-7 mois) n’est pas encore atteint. C’est donc source de contradiction : le meilleur moment pour diversifier serait dès le 4e mois – mais la DME n’est pas possible à cet âge. On peut donc logiquement passer par une étape intermédiaire d’alimentation mixée, avant d’attaquer la DME.

Quelles sont les contre-indications à la DME ?

La principale contre-indication concerne les enfants qui ont eu :
  • un eczéma sévère dans les premiers mois de vie ;
  • un asthme (très rare avant 6 mois) ;
  • un environnement familial allergique, par exemple des parents ou une fratrie asthmatiques ou porteurs d’allergies (alimentaires ou aux pollens par exemple).
Chez ces enfants, on a plutôt tendance à proposer une alimentation mixée commencée dès la fenêtre de tolérance, c’est-à-dire dès 4 mois.

Quels sont les points essentiels à retenir ?

Une méthode mixte serait sans doute la plus logique :
  • Des aliments diversifiés et mixés pendant la fenêtre de tolérance ;
  • Puis, dès 6-7 mois, un passage à la DME ;
  • Une DME améliorée, afin d’enrichir l’alimentation en fer, vitamine B12 et huiles végétales ;
  • Un parent présent et vigilant à chaque repas.
Dr Jean-Louis Ordioni, pédiatre

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