Donner naissance à un bébé sans avoir pensé être enceinte, découvrir sa grossesse lors de l’accouchement : ces cas extrêmes paraissent toujours invraisemblables. Pourtant, c’est ce qui arrive à environ 300 femmes chaque année en France. Mais comment un bébé peut-il grandir en secret dans le ventre de sa mère ? Et comment devenir mère et accueillir son enfant sans avoir vécu pleinement les 9 mois de grossesse ?
Qu’est-ce que le déni de grossesse ?
Le déni de grossesse est le fait de ne pas savoir que l’on est enceinte alors même qu’une grossesse est en cours depuis plus de 4 mois. Cela signifie que la femme n’a perçu aucune des manifestations habituelles d’une grossesse : elle n’a pas le ventre qui s’arrondit, n’a pas les seins gonflés, n’a pas de symptômes particuliers et ne ressent pas les mouvements du bébé. Il s’agit d’une grossesse « imperceptible ».
Les types de déni de grossesse
Il existe 2 types de déni de grossesse :
- Le déni de grossesse partiel : le déni de grossesse peut être « levé » en cours de route, c’est-à-dire que la grossesse est découverte entre le 4e mois et le 9e mois.
- Le déni de grossesse total : le déni de grossesse peut perdurer jusqu’au jour de l’accouchement ! Dans ce cas, cela signifie que la femme ressent des douleurs intenses et se met en travail sans même avoir pris conscience, avant cette étape, qu’elle était enceinte.
Les différences entre déni de grossesse et grossesse cachée
La confusion entre déni de grossesse et grossesse cachée est fréquente, mais ces phénomènes diffèrent nettement. Dans une grossesse cachée, la femme sait qu’elle est enceinte mais choisit de ne pas le révéler autour d’elle. À l’inverse, le déni de grossesse se manifeste par une absence de conscience de la grossesse, la femme vivant cet état sans en avoir la moindre idée. Par ailleurs, la grossesse nerveuse apparaît comme le phénomène opposé au déni de grossesse, lorsqu’une femme ressent les symptômes de la grossesse sans être réellement enceinte.
Comment expliquer un déni de grossesse ?
Les causes et facteurs de risques possibles
Le déni de grossesse est un trouble caractérisé par une dissociation entre le corps et le psychisme de la femme enceinte, où cette dernière ne reconnaît pas sa grossesse.
Les causes sont assez compliquées à définir car il n’y a généralement pas de cause unique. Le déni de grossesse est souvent multifactoriel : il y a plusieurs raisons qui ont fait qu’à ce moment-là, la grossesse était impensable.
Ce trouble, ancré dans une dynamique psychologique complexe, peut être influencé par des facteurs variés tels que des conflits internes, des traumatismes ou une ambivalence vis-à-vis de la maternité. Protégeant potentiellement la femme d’une réalité traumatisante, le déni de grossesse peut refléter une souffrance profonde et une difficulté à intégrer l’identité maternelle.
Est-il possible de faire un déni de grossesse rien qu’en y pensant ?
La réponse est non : le fait d’y penser ne provoquera pas un déni de grossesse. Le simple fait de considérer la grossesse comme une possibilité dans votre esprit signifie que vous êtes consciente de cette éventualité, ce qui élimine le risque de déni. Avoir des réflexions et des questionnements sur ce sujet est un processus normal et sain, indiquant une prise de conscience et une réflexion active sur la possibilité d’être enceinte.
Qui est susceptible de faire un déni de grossesse ?
Toutes les femmes peuvent être concernées, quel que soit leur milieu, leur âge ou leur corpulence. Le déni de grossesse ne concerne pas seulement les jeunes filles ou les primipares (femmes enceintes pour la première fois). Une femme ayant déjà eu des enfants peut très bien faire un déni de grossesse pour le 3e ou 4e enfant, par exemple.
Comment le bébé arrive-t-il à se développer ?
Dans une grossesse habituelle, l’utérus gonfle, ce qui crée une pression abdominale et repousse la paroi de l’abdomen. Ainsi, le ventre grossit et le bébé se met en position fœtale.
Dans un déni de grossesse, l’utérus s’allonge le long de la colonne vertébrale. Le bébé va alors se développer tout à fait normalement mais en longueur, en remontant vers la cage thoracique. Il ne pousse pas sur la paroi abdominale, ce qui fait que le ventre ne ressort pas.
En revanche, lorsque la femme découvre sa grossesse, toutes les manifestations habituelles se mettent en place. Le ventre se relâche en quelques heures et la pression abdominale se détend. Ce mécanisme est mystérieux et stupéfiant !
Symptômes d’un déni de grossesse : une grossesse invisible
Le déni de grossesse se distingue par l’absence ou la méprise des signes habituels de grossesse, tels que :
- l’absence de règles (aménorrhée) ;
- la prise de poids ;
- le ventre qui s’arrondit ;
- les nausées ;
- les vomissements ;
- la fatigue…
Certains signes caractérisent souvent ce phénomène :
- des saignements réguliers, pouvant être confondus avec des règles ;
- l’absence de changements corporels malgré une grossesse avancée.
Cela peut conduire à un diagnostic tardif, parfois seulement au moment de l’accouchement, complexifiant la détection pour les femmes concernées et les professionnels de santé.
Diagnostic et prise en charge d’un déni de grossesse
Le test de grossesse
Même sans symptômes évidents, un test de grossesse reste positif en cas de déni. Après la levée du déni, les signes de grossesse apparaissent rapidement, souvent dans les 24 heures. Le diagnostic précoce est compliqué par l’absence de signes typiques, mais un test de grossesse et des examens médicaux comme une prise de sang (dosage des hormones hCG sécrétées par les cellules du placenta) ou une échographie peuvent confirmer la grossesse.
La prise en charge psychologique et médicale est alors essentielle pour la mère et l’enfant.
Et le coparent dans tout ça ?
Les coparents, tout comme l’entourage, ne peuvent pas non plus se rendre compte que leur compagne est enceinte. Rien ne laisse présager qu’une grossesse est en cours et rien ne leur permet de l’identifier. Les coparents sont ainsi pris de cours, tout comme leur compagne, quand on leur annonce cette nouvelle !
Conséquences du déni de grossesse sur la mère et l’enfant
Un soutien médical et psychologique précoce est nécessaire pour la mère et l’enfant afin de minimiser les répercussions négatives du déni de grossesse. La sensibilisation et la formation des professionnels de santé jouent donc un rôle clé dans la prise en charge et le suivi de ces situations.
Les répercussions sur l’enfant
Le fœtus est exposé à divers risques, notamment une augmentation du risque de prématurité, un faible poids à la naissance, un retard de croissance intra-utérin et une probabilité accrue d’hospitalisation néonatale ou de mortalité fœtale.
Les répercussions sur la mère
En cas de déni complet, le principal danger est l’accouchement en solitaire, mettant en péril la vie de la mère et celle du bébé en raison de possibles complications.
La découverte soudaine de la grossesse peut être profondément traumatisante, bien que le risque de gestes extrêmes envers le nouveau-né reste très rare.
En cas de déni partiel, le choc de la révélation peut engendrer honte et culpabilité de n’avoir pas détecté la grossesse plus tôt et d’avoir exposé l’enfant à des risques. Néanmoins, la plupart des mères parviennent à accueillir leur enfant après le choc initial.
Il est crucial pour une femme ayant vécu un déni de grossesse de chercher un soutien auprès de professionnels de la santé mentale pour faciliter la construction du lien mère-enfant et soutenir le processus d’attachement.
Comment accueillir son enfant lors d’un déni de grossesse ?
Il y a autant de relations mère-enfant qu’il y a de mères et d’enfants. Dans la majorité des cas, un lien puissant s’installe, comme pour compenser le fait de ne pas avoir vécu la grossesse. Il y a bien souvent cette frustration d’être passée à côté de 9 mois de sa vie et des premiers mois de la vie de son enfant in utero. Il y a donc un lien fort et très protecteur qui se met en place – qui peut même parfois paraître un peu « trop » pour un œil extérieur…
Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une aventure très particulière et non dénuée de conséquences psychiques. Il ne faut pas hésiter à s’entourer de sa famille et de ses amis, et à se faire accompagner par des professionnels.
Pauline Minjollet
Psychologue clinicienne, Boulogne-Billancourt