Le témoignage de Denise
Bien que les situations abordées dans ce témoignage ne concernent qu’une minorité des accouchements, il s’agit de sujets sensibles et potentiellement angoissants.
***
Je m’appelle Denise, j’ai 41 ans et je suis la maman de Soazick, 14 ans, de Giulia, 3 ans, et de Sassia, 15 mois. Je suis également mamange d’un petit Luca. Je suis en couple avec le papa de Giulia et Sassia depuis quatre ans et je suis maman à plein temps !
Une première césarienne d’urgence
En 2001, j’étais enceinte de Luca et ma première grossesse a dépassé le terme. Le gynécologue qui me suivait à l’époque n’a pas été attentif… et mon petit garçon est décédé dans mon ventre. Une césarienne d’urgence a ainsi été programmée, sous anesthésie générale. Je ne peux pas vous décrire cette expérience, on se serait cru dans un film d’horreur.
Je n’ai jamais réellement su pourquoi cette opération a eu lieu sous anesthésie générale, mais je suppose que c’était pour éviter que je sois réveillée pour voir et entendre tout ça. Le gynécologue qui m’a opérée a très mal fait ma césarienne, ce qui fait qu’aucune autre naissance n’a pu être faite par voie basse.
Dr Agnès Gepner, Directrice médicale de Malo : très rapidement, un enfant décédé in utero génère des troubles de coagulation pouvant être sévères et qui contre-indiquent formellement la réalisation d’une anesthésie loco-régionale. Cette décision était fondée mais aurait dû être expliquée à la maman.
Une professionnelle de confiance à mes côtés pour la naissance de Soazick
Soazick est née en 2009, soit 8 ans après le départ de Luca. La grossesse s’est très bien passée, je n’ai eu aucun souci ! J’avais évidemment beaucoup d’appréhensions concernant sa naissance. Mais cette fois-ci, je me suis entourée d’une super gynécologue en qui j’avais toute confiance. Celle-ci avait connaissance de mon histoire et de mes peurs, elle m’a suivie toute ma grossesse et, pour me rassurer, m’a hospitalisée une semaine avant la date prévue de la césarienne. Elle a vraiment été présente du début à la fin. Le jour de l’opération, le père de Soazick a préféré rester derrière la porte mais je plaisantais avec ma gynécologue.
Dr Agnès Gepner : De nombreux gynécologues programment en effet une césarienne après une première césarienne — c’est un grand classique et les femmes elles-mêmes ne sont pas forcément motivées pour tenter une voie basse après une césarienne. Un utérus qui a été césarisé est un utérus dit « cicatriciel », c’est un utérus plus fragile et on préfère parfois ne pas tenter de voie basse pour ne pas risquer une rupture utérine, qui peut être dramatique. A fortiori si la première a été faite sur une mort foetale : en principe, les gynécologues planifient la deuxième césarienne un peu avant la date du décès in utero (c’est souvent conjuratoire…).
Deux grossesses plus à risque
Pour Giulia, j’ai eu une cholestase gravidique, une maladie du foie qui peut toucher les femmes enceintes. Cette maladie provoque des grattements terribles sur les mains et les jambes ! J’ai fait un bilan sanguin en fin de grossesse : comme celui-ci n’était pas bon, j’ai été hospitalisée trois semaines avant la date prévue pour enclencher une césarienne.
Dr Agnès Gepner : La cholestase gravidique est une pathologie relativement rare dont le traitement le plus efficace est… l’arrêt de la grossesse. Effectivement, les démangeaisons sont intenses et très gênantes. Une cholestase en fin de grossesse est une indication de déclenchement — sauf que l’utérus de Denise était déjà bi-cicatriciel. Donc, aucune échappatoire à une décision de césarienne.
Pour ma petite dernière, Sassia, ils redoutaient que je puisse à nouveau souffrir d’une cholestase gravidique, c’est pourquoi j’avais une médication préventive. Le jour de la dernière échographie, j’avais très mal au bas-ventre, au niveau de la cicatrice. La sage-femme m’a donc invitée à aller voir la gynécologue, qui m’a dit « On ne prend pas de risque, on césarise aujourd’hui ! ».
J’ai plus de 40 ans, je suis très fertile, et chaque naissance par césarienne fragilise mon corps. C’est pourquoi nous en avons discuté avec la gynécologue qui me suit depuis des années et nous avons profité de cette opération pour faire une ligature des trompes. Elle craignait que la douleur que je ressentais au niveau de la cicatrice puisse être le signal d’une rupture utérine et pendant l’opération, elle n’arrêtait pas de plaisanter : « Vous avez un utérus costaud comme du béton ! », « Je vais vous faire une super césarienne, tout sera nickel, comme si vous n’en n’aviez jamais eu ». Et elle avait raison, c’est vraiment nickel aujourd’hui ! Elle a vraiment rattrapé les erreurs de la première césarienne. Le seul regret lié à cette opération, c’est qu’en période de Covid et malgré un test négatif, mon conjoint n’a pas pu assister à la naissance.
Sassia est donc née à 36 semaines, et deux heures après… J’étais debout ! J’ai une vraie résistance à la douleur mais on m’avait prévenu que plus il y avait de césariennes, plus c’était douloureux. Pour les 3 autres césariennes, tout s’était bien passé, mais pour Sassia, je dois avouer que j’ai vraiment dégusté. J’ai eu très mal.
Dr Agnès Gepner : En réalité, les douleurs post-opératoires d’une césarienne ne varient pas en fonction du nombre de césariennes antérieures. En revanche, dès le deuxième enfant, il y a les fameuses tranchées qui sont des douleurs intenses (mais brèves) dues à de puissantes contractions utérines, notamment pendant les allaitements. Leur « but » physiologique est de réduire les saignements, c’est donc très positif ! Avec un traitement antalgique bien conduit, les douleurs post-opératoires d’une césarienne ne doivent pas être ressenties comme insupportables. Mais il y a le contexte…
Il y avait les tranchées, la douleur de la cicatrice… Et comme Sassia est née pendant le Covid, je n’ai vu personne ! Les infirmières passaient rapidement me donner mes médicaments et c’est tout. Je n’ai par ailleurs pas hésité une seconde avant de prendre les antidouleurs, ça me soulageait vraiment ! J’étais donc très seule à la maternité. Heureusement que ce n’était pas mon premier enfant et que je savais m’y prendre. Les infirmières n’étaient pas disponibles, j’avais très mal et elles n’étaient pas très à l’écoute… Je me demandais comment faisaient les jeunes parents.
Mon partenaire, lui, devait s’occuper de Giulia à la maison. Pour organiser la rencontre entre les sœurs, nous avons dû nous donner rendez-vous sur le parking de la maternité. Ce n’était vraiment pas le cadre rêvé.
J’ai retiré le pansement de l’opération le jour même. J’ai accouché le matin et j’ai pris ma douche le soir. Il n’y a pas de soins particuliers, il faut laver la cicatrice normalement et veiller à bien la sécher. Je peux comprendre que ce soit difficile pour certaines de faire ces gestes : il peut y avoir des agrafes plutôt que des pansements résorbables, ce qui peut être impressionnant et douloureux. Ça reste tout de même un acte chirurgical qui nécessite d’ouvrir 7 couches de peau !
Je suis restée 4 jours à la maternité, ma fille ayant une jaunisse. J’étais contente de rentrer chez moi et de retrouver ma sage-femme. Elle m’a fait une échographie pour vérifier que tout était normal, au vu des douleurs, et ça l’était. Au moins, j’étais rassurée.
J’ai porté des couches pour adultes pendant plusieurs semaines, puis j’ai mis des culottes menstruelles suffisamment hautes pour couvrir la cicatrice et être à l’aise. Pour faciliter le retour à la maison, j’avais également anticipé : une aide ménagère venait une fois par semaine et Giulia allait à la crèche trois fois par semaine. Et puis mon partenaire était à mes côtés d’octobre à mars ! Je me suis beaucoup occupée de la petite qui, pour nous, paraissait être une crevette puisqu’elle ne pesait « que » trois kilos à la naissance, contre 4 pour ses soeurs ! Mon partenaire s’est surtout occupé de Giulia, pour qui l’arrivée de Sassia a été un peu difficile. Aujourd’hui, ça va beaucoup mieux.
Il a fallu attendre trois semaines pour que la douleur parte. Au bout d’un mois, j’ai pu commencer à masser la cicatrice avec de l’huile et ma gynécologue avait raison : elle a super bien réussi l’opération !
Mieux informer les mères sur la césarienne
Je reproche beaucoup aux professionnels de ne pas suffisamment informer les mères sur les césariennes. Pendant la préparation à la naissance, elles devraient être informées pour y être un minimum préparées : il y a toujours une éventualité pour qu’il n’y ait pas d’accouchement par voie basse. Beaucoup de facteurs entrent en jeu : la taille du bébé, les contractions, les maladies de fin de grossesse… On en parle trop peu ! Je conseillerais même aux mamans d’inclure la césarienne à leur projet de naissance, au cas où ça ne se passerait pas comme « prévu ».
Par ailleurs, je lis très souvent sur les forums une fausse information sur la césarienne : rassurez-vous, il est tout à fait possible d’allaiter après une césarienne ! J’ai allaité toutes mes filles.
Dr Agnès Gepner : Il est vrai que la communication est mauvaise sur ces sujets, et pourtant nécessaire ! Je suis certaine qu’une bonne information et un bon débriefing post-opératoire amélioreraient beaucoup de choses…
Pour certaines mamans, le fait de ne pas donner naissance par voie basse peut être très mal vécu. Mais une césarienne reste un accouchement, on donne la vie ! Et heureusement qu’on a cette option. À celles qui culpabilisent, dites-vous vraiment que ça n’enlève rien. Vous avez donné la vie, peu importe la façon. Personnellement, je ne vis pas mal le fait d’avoir mis au monde mes trois filles par césarienne. Ce qui m’attriste davantage, c’est de ne pas avoir eu le choix… Mais c’est comme ça. J’ai tout de même donné naissance à mes filles, je les ai vues naître et ça n’enlève rien.
La dernière chose que je conseillerais aux femmes, c’est d’être à l’écoute de leur corps et de se faire confiance. En tant que femmes, on minimise souvent la douleur, mais c’est important d’en parler à un professionnel de santé — et si ce n’est rien, ça permet au moins d’être rassurée.