À l’arrivée d’un nouveau-né, le sommeil des parents s’adapte à celui de ce dernier. Robert Sapolsky, neurobiologiste mondialement connu de l’Université de Stanford, raconte sa propre expérience.

Elle est relatée dans l’article qui suit.

L’expérience de Robert Sapolsky

Voici ce que Robert Sapolsky explique au sujet du sommeil de son nouveau-né :

Il y eut ce jour : mon fils était alors âgé de 2 semaines, c’était notre premier-né et nous étions nerveux quant à la charge parentale que cela nous demanderait. Ce fut une belle journée. Il avait bien dormi pendant la nuit, se réveillant de temps à autre pour téter avec de longues périodes de sommeil, ce qui nous permit de faire de même. Ma femme s’occupait de le nourrir tandis que je veillais à ce qu’elle ait toujours à portée de main du jus de cranberry, une obsession depuis son accouchement. Notre fils remplissait sa couche au bon moment et chacun de ses comportements nous indiquait combien il était merveilleux. Tout était calme.

Ce soir-là, tandis qu’il dormait, nous reprenions nos vieilles routines comme faire la vaisselle. C’était la première fois depuis des jours. Je me laissais aller à philosopher sur la condition humaine : toute cette histoire de prise en charge du nouveau-né, c’était vraiment gérable si on savait s’organiser, travailler en équipe, suivre le rythme, etc.

Cependant, ce temps calme fut de courte durée. Le neurobiologiste raconte :

Mais cette nuit-là, notre fils se réveilla alors que nous venions juste de nous endormir. Il était irritable et il ne se rendormait pas à moins de lui tapoter le dos, ce que je fis sans discontinuer. Il protestait à chaque fois que je m’arrêtais. Cela dura pendant une bonne heure puis il téta. Après lui avoir tapoté le dos à nouveau, il remplit sa couche de manière tonitruante, salissant son pyjama et moi-même au passage. Il hurla de toutes ses forces pendant que je le lavais.

Finalement, il s’endormit pendant 20 minutes sans que j’aie besoin de lui tapoter le dos, avant de téter à nouveau. Le tout suivi de selles fraîches, salissant une fois de plus son pyjama. Nous avons ensuite découvert qu’il n’y en avait plus de propre, n’étant plus à jour de nos lessives.

Et l’auteur de conclure :

Plutôt que de faire quelque chose d’utile, je déclarais dans un état quasi psychotique que nous ne pouvions plus continuer ainsi, que nous allions mourir, que les gens meurent s’ils ne dorment pas, cela était scientifiquement prouvé. En disant cela, je levais les bras avec emphase, renversant le verre de jus de cranberry… ce qui eut pour effet de réveiller notre fils qui s’était enfin endormi comme un bienheureux. Nous avons tous les 3 éclaté en sanglots. Puis il se rendormit, me plongeant dans une agitation anxieuse, attendant qu’il se réveille à nouveau. Ne pas dormir est stressant et être stressé empêche de dormir… »

Le sommeil de l’adulte et le sommeil du bébé

Le sommeil est fait de plusieurs cycles d’environ 90 minutes. Il sert à reconstituer les réserves d’énergie, joue un rôle essentiel dans la consolidation de la mémoire, la formation de nouveaux souvenirs et dans notre capacité d’apprentissage. La privation de sommeil déclenche la production d’hormones du stress, ce qui provoque irritabilité, impatience, tristesse… et modifie notre jugement.

Le bébé, quant à lui, a des cycles de 50 à 60 minutes. Il se réveille toutes les 2 à 3 heures et ne fait aucune distinction du jour et de la nuit avant l’âge de 3 mois environ.

Alors comment faire face au manque de sommeil ?

Il faut dormir en même temps que son bébé, se reposer le plus possible, prendre son rythme en quelque sorte. Mais il n’y a pas de recette miracle… Sachez que toutes les nuits ne se ressembleront pas, il y en aura de moins agitées que d’autres. Sollicitez votre entourage pour vous aider dans toutes les tâches domestiques : repas, lessive, ménage… Dormez la nuit quand vous le pouvez, mais aussi le jour dès que vous en ressentez le besoin.

Si vous avez du mal à vous endormir, essayez de vous mettre de la musique relaxante, prenez une tisane, un bain ou une douche chaude. Vous trouverez sur Internet des petites vidéos de yoga, de respiration ou de relaxation pour vous aider à vous endormir si vous n’y arrivez pas et que le stress s’installe. Vous pouvez essayer de chanter des berceuses à votre bébé, il est tout à fait possible qu’elles vous aident à vous endormir également ! Dormez avec le bébé dans votre chambre, cela vous évitera d’avoir à vous lever si vous l’allaitez. Et en le prenant plus rapidement dans vos bras, vous l’aiderez à se calmer plus vite.

Limitez les visites interminables, qui sont épuisantes pour vous et votre bébé. Quand elles ont lieu, réduisez autant que possible la durée et le nombre de personnes. Proposez à vos invités d’apporter la nourriture et les boissons : même si cela vous semble sans-gêne, toutes les personnes qui ont déjà vécu l’aventure comprendront !

L’épidémie de Covid et l’interdiction des visites autres que celle du conjoint dans les maternités a eu des effets secondaires spectaculaires. Les femmes se sont rendu compte que les visites étaient en fait inopportunes dans cette brève parenthèse du port-partum immédiat. De ce fait, elles ont pu faire connaissance avec leur bébé, trouver une intimité à trois… et tout de suite apprendre à se caler sur le rythme du bébé.

Vous pouvez demander à un proche de prendre soin de votre bébé pendant que vous et votre partenaire dormez. Si vous allaitez, cette personne pourra vous le ramener lorsqu’il aura besoin de téter. Si le bébé est au biberon, laissez cette personne le lui donner.

Si votre bébé se réveille toutes les heures pour demander le sein, il n’est sans doute pas rassasié par les tétées : le mieux est de consulter une sage-femme ou une conseillère en lactation.

Relativiser les troubles du sommeil de son enfant

Acceptez avec philosophie qu’il en soit ainsi : vous ne pouvez pas faire en sorte que votre nouveau-né dorme 8 heures d’affilée. Vous ne pouvez que vous adapter à ce changement en organisant au mieux vos temps de sommeil, qui seront précieux. Gardez à l’esprit que cela va s’arranger progressivement. Et si ce n’est pas le cas, demandez de l’aide et les conseils d’un professionnel de santé. La PMI (Protection Maternelle et Infantile) peut également vous aider à trouver des solutions.

Dans son chapitre sur le stress et le sommeil, Robert Sapolsky écrit ceci :

Le manque de sommeil ou un sommeil de piètre qualité induit du stress, et le stress induit moins de sommeil ou un sommeil de moins bonne qualité. Cependant, l’absence de sommeil n’entraîne pas un stress aussi massif qu’on pourrait le penser. À un moment donné, le besoin de sommeil viendra à bout du plus stressant des facteurs de stress.

Quelle sagesse !

Références :

  • Why Zebras don’t get ulcers de Robert SAPOLSKY – Third Edition

Muriel ANDRÉ
Sage-femme libérale
Paris

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