« Faites l’amour 2 fois par semaine », « Épilez-vous », « Ayez un corps tonique », « Soyez ambitieux ou ambitieuses », « Assumez votre corps » …
Un monde rempli d’injonctions
Elles sont là, indicibles, inaudibles, et pourtant elles nous empoisonnent : les injonctions. À l’origine, une injonction est un ordre donné par un juge — sauf qu’ici, le juge, c’est nous-même. Enfin pas seulement…
Pas seulement car ces petites voix, qui nous hantent jour et nuit et qui sont présentes sans arrêt dans nos têtes, sont issues de la société. Elles se diffusent chaque jour en même temps que les innombrables messages publicitaires dont nous sommes abreuvé·es. Pas étonnant que l’on se sente submergé·e et que notre capacité d’attention diminue à vue d’œil.
Toutes les injonctions ont le même but : nous faire comprendre que nous ne sommes pas « assez ». Pas assez sexy, pas assez jeunes, pas assez minces, pas assez désirables, pas assez athlétiques – c’est sans fin !
Mais pourquoi ? Pour créer chez nous ce besoin, quasi obsessionnel, de rentrer dans la norme. Derrière ces injonctions, se cachent des entreprises qui souhaitent vous vendre la formule miracle pour accéder au bonheur. Et quoi de mieux que le manque ou la frustration pour déclencher l’achat ?
Preuve en est, le modèle économique des salles de sport. Dans un article du magazine La Tribune, on peut lire les phrases suivantes : « L’économie des clubs de gym repose sur les abonnés absents. Ils s’inscrivent pour un an, souvent début janvier avec les bonnes résolutions, s’y rendent un peu les premiers mois, puis abandonnent. Ces abonnés sont bien utiles, car ils fondent l’économie des salles de sport de moyenne gamme, une économie aujourd’hui bousculée par l’entrée de clubs low-cost ». Toujours dans le même article, on apprend que selon une étude québécoise, la fréquentation des salles de sport chute de près de moitié après quatre mois.
Et en matière de sexualité ?
La sexualité est un domaine qui nous fascine autant qu’il nous fait peur. Finalement, on ne sait jamais véritablement si « on fait bien les choses » ou pas.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’en matière de sexualité, les personnes sont friandes de chiffres ou de statistiques. Oui, mais il y a un biais. Seth Stephens Davidowitz — data scientist, économiste, auteur américain, contributeur du New York Times et ancien scientifique des données chez Google — vient nous apporter un éclairage intéressant. Selon lui, « les gens mentent à leurs amis, amoureux, médecins, et même à eux-mêmes ».
Comment se libérer des injonctions ?
Finalement, les injonctions que nous subissons au quotidien servent à nourrir un intérêt économique qui n’est pas le nôtre, ou bien se basent sur des statistiques erronées. Dans les deux cas, elles ne sont jamais la représentation de la réalité et de la vérité. Regardez les corps que vous voyez sur les réseaux sociaux et allez à la piscine ou la plage — troublant, n’est-ce pas ?
Que ce soit en termes d’amour, de sexualité ou de tout autre sujet, la première chose à faire est de vous demander « À qui ces injonctions bénéficient-elles ? ».
Une fois cette première étape identifiée, demandez-vous si ce désir (perdre du poids, faire l’amour x fois par semaine) émane réellement de vous ou s’il vient répondre à une angoisse de ne pas être dans la norme.
Envie d’aller plus loin ?
Découvrez la série « Libres ! » d’Ovidie et Sophie-Marie Larrouy, sur Arte. Ces 10 épisodes de 4 minutes interrogent les injonctions et les idées reçues et tordent le cou aux stéréotypes.
Bibliographie :
- « Les techniques publicitaires sont beaucoup plus agressives et intrusives qu’auparavant », émission France Culture, février 2018.
- Le curieux business model des salles de sport, juin 2016, François Lévêque, Professeur d’économie, Mines ParisTech – PSL.
- « Tout le monde ment : Google révèle nos recherches secrètes », Les Échos, Juillet 2017.
Margaux Terrou, sexologue clinicienne