La PMA, ou assistance médicale à la procréation, est un ensemble de techniques médicales permettant de répondre à un projet parental. Elle est accessible :
- aux couples hétérosexuels (en cas d’infertilité ou pour éviter de transmettre une maladie génétique) ;
- aux couples de femmes ;
- aux femmes seules.
Dans cet article, nous évoquons d’abord la situation des couples hétérosexuels infertiles. Si vous êtes un couple de femmes ou une future maman solo, vous pourrez cependant retrouver en fin d’article les conseils de notre psychologue pour vous préparer à vivre un parcours PMA.
Le recours à la PMA en cas d’infertilité dans les couples hétérosexuels
Le diagnostic d’infertilité survient souvent après de nombreux essais de grossesse spontanée et plusieurs examens médicaux au cours desquels l’espoir, les déceptions et la crainte de l’avenir ont pu fragiliser la patiente et son partenaire, ainsi que leur couple.
Le plus souvent, les couples arrivant dans les centres de consultation ont un sentiment d’urgence et la sensation qu’ils ont perdu leur temps dans les différentes analyses préliminaires au diagnostic d’infertilité. Ils ont donc des demandes et des attentes pressantes. Ils sont parfois meurtris de ne pas être parvenus à avoir un enfant naturellement, alors que la maîtrise de la contraception pouvait laisser à penser qu’ils pouvaient faire un enfant lorsqu’ils le souhaitaient.
Les répercussions psychologiques de l’infertilité chez la femme
L’infertilité renvoie les femmes à une véritable « faille identitaire » qui s’inscrit dans une réalité corporelle, intime et psychique. Il y a une blessure profonde : celle de ne pas pouvoir vivre « normalement » l’état de grossesse, comme leurs amies ou leurs mères avant elles. Les patientes expriment leur déception, leur frustration, voire leur colère. Elles décrivent le plus souvent un vécu de solitude et d’isolement, parfois même face à leur compagnon qui peut rester silencieux.
Elles peuvent avoir tendance à se sentir abandonnées par leur conjoint, dont elles disent qu’il ne semble pas comprendre leur état de désespoir, supportant mal leurs larmes (même si elles ont elles-mêmes des difficultés à se laisser consoler) ou étant irrémédiablement optimistes.
Cette image de force augmente leur sentiment d’être seules à souffrir et amène une grande frustration dans le couple. Comparées à leur conjoint, les femmes parlent plus volontiers de leur souffrance. Elles peuvent en général verbaliser leurs émotions, et ainsi soulager une part de leur angoisse.
Chez les femmes plus que chez les hommes, l’horloge biologique leur fait vivre un sentiment d’impuissance et d’urgence. Ce vécu peut être renforcé par la pression sociale ou familiale, avec l’arrivée de grossesses dans l’entourage du couple (qui viennent renforcer le vécu d’isolement et de différence).
Elles ont donc parfois tendance à se centrer sur leurs périodes d’ovulation, en espérant à chaque cycle une grossesse, et on observe de véritables souffrances chaque mois lorsque les règles apparaissent. La femme tend progressivement à calquer sa sexualité à son désir de grossesse, ce qui fragilise encore son estime d’elle-même et sa confiance à pouvoir porter un enfant, le mettre au monde et devenir mère.
Enfin, les femmes qui subissent les traitements peuvent vivre cette médicalisation comme une véritable atteinte à leur intimité. Lors des consultations ou des examens, les soignants engagent une parole sur la sexualité qui peut représenter, physiquement et symboliquement, une mise à nu. Les femmes subissent également des bouleversements hormonaux liés aux différents traitements, ainsi que des effets secondaires pouvant leur faire prendre du poids, et donc entacher l’image d’elles-mêmes, déjà fragilisée par la blessure narcissique liée au diagnostic d’infertilité.
Les répercussions psychologiques de l’infertilité chez l’homme
Comme chez leur compagne, l’infertilité menace l’estime de soi des hommes et peut les fragiliser sur le plan identitaire — sur le plan de la virilité et de l’identité masculine, notamment. Chez certains hommes, il s’agit d’un tel séisme psychique qu’ils mettent parfois en place des mécanismes inconscients de déni ou d’incrédulité.
Quand ils parviennent à l’exprimer, les hommes décrivent des sentiments de culpabilité et de honte, avec une tendance à se faire des reproches. Mais, bien souvent, plus la douleur de la blessure féminine s’exprime, plus l’homme a tendance à s’effacer et à taire son propre vécu douloureux. Leurs sentiments de détresse et d’impuissance, face à la violence du chagrin de leur compagne et l’impossibilité de trouver une réponse qui puisse l’apaiser, viennent fortement les fragiliser.
La culpabilité est réactivée à chaque protocole devant le fait que, même s’il est porteur de l’infertilité, c’est sa femme qui reçoit les traitements et qui en subit les effets. L’homme peut se sentir à l’écart du parcours, avec une difficulté à trouver sa place au sein des différents protocoles, dont il se sent évincé dans son désir d’homme et de père.
La rivalité inconsciente à l’égard des médecins peut renforcer cette difficulté à trouver sa place. Tout au long du processus, les hommes peuvent mettre en place des mécanismes de défense les aidant à « vivre » ce long et douloureux parcours. Ils expriment très rarement leurs émotions au profit d’un discours factuel, centré sur les difficultés liées à l’infertilité et sur les stratégies qu’ils utilisent pour y faire face. Ils peuvent également rationaliser et banaliser les épreuves vécues, ou fuir (dans le sport ou dans le travail, où ils vont chercher une certaine reconnaissance de leur virilité).
Comment se préparer à un parcours PMA et à un éventuel échec ?
Se lancer dans un protocole PMA n’est donc pas neutre. Pour les couples hétérosexuels, il intervient souvent après de nombreuses tentatives de grossesse spontanée, de multiples examens et un temps d’attente ayant fragilisé le couple.
Pour les couples hétérosexuels comme pour les couples de femmes et les femmes seules, un parcours PMA est souvent long et difficile. Les traitements hormonaux et les rendez-vous très réguliers à la clinique prolongent cet état d’attente et de stress, et les patients évoquent leur difficulté à supporter ce protocole.
Ils sont souvent en demande de savoir ce qu’ils peuvent mettre en place afin de « mieux vivre » ce parcours, cette attente, ainsi que l’annonce des résultats en cas d’échec. Le terme « échec » est d’ailleurs tout de suite à proscrire puisqu’il ne s’agit pas d’un échec en soi. Ce terme induit une dimension trop personnelle qui vient réactiver la fragilisation narcissique liée à l’annonce de l’infertilité. On parle alors de « tentative infructueuse » et non pas d’échec, ce qui va également alléger la culpabilité liée au fait de penser « avoir échoué ».
Combler l’attente
La tentation est grande de vouloir combler le temps d’attente avant les résultats avec différentes techniques de respiration, de relaxation, de consultations en acupuncture, hypnose, ostéopathie… Tout ce qui pourra améliorer la qualité de vie des patients pendant le protocole est bon à prendre et doit être mis en place.
Mais il ne faut surtout pas tomber dans le piège d’une multiplication des consultations qui n’auraient finalement pas de sens pour les patientes ou leurs partenaires, mais qui s’y obligeraient afin de « cocher des cases » et de « se détendre ».
Accepter le stress
Accepter le stress est primordial pendant le protocole. Le désir d’enfant est tel qu’il est normal et logique d’avoir une attente vis-à-vis des résultats. Or, ce qui pourrait être délétère, c’est l’angoisse autour du stress normal et réactionnel lié au parcours. Accepter les moments de doute est important.
Communiquer et se confier
Pouvoir se confier est également nécessaire. Souvent, les couples ont l’impression de ne pas être compris. Au sein même du couple, les partenaires réagissent parfois très différemment. Pouvoir consulter un psychologue, trouver du soutien auprès d’un groupe de parole, communiquer avec des amis ou des collègues, partager cette épreuve sur les réseaux sociaux permet de ne pas s’isoler dans ces temps incertains d’attente des résultats.
Se projeter ou non
Lorsque les résultats négatifs tombent, le plus souvent, on peut assister à un véritable effondrement. Les couples se demandent alors comment mieux se préparer à un échec de PMA et regrettent de s’être autant projetés.
On le sait : les traitements et le protocole constituent un chemin difficile et les projections et l’espoir, même s’ils sont teintés de doutes et de craintes, sont nécessaires afin de pouvoir accepter de passer par toutes ces piqûres et tous ces rendez-vous.
De plus, se protéger ne signifie pas « ne pas souffrir ». Encore une fois, il est surtout important que vous puissiez accepter de passer par des temps difficiles, et de pouvoir vous relever de cela en étant le plus entourés possible (par la famille, les amis, mais aussi par les professionnels de santé). Des consultations psychologiques sont possibles dans les centres de PMA et peuvent vous aider à traverser ces périodes difficiles.
Faire le point avec l’équipe médicale
Avoir programmé une consultation médicale après les résultats est souvent important pour refaire le point sur ce qui a pu se passer pendant le parcours. Il arrive que le médecin et l’équipe puissent changer les traitements, ajuster le protocole. Très souvent, la tentative infructueuse n’arrive pas pour rien et va permettre à l’équipe de connaître de mieux en mieux vos réponses aux traitements mis en place.
S’autoriser à faire une pause
Un temps de pause est parfois nécessaire entre deux protocoles. Savoir s’écouter et s’autoriser à penser à soi est primordial afin que le prochain parcours puisse ne pas commencer dans un état d’épuisement physique et psychique. Rappelez-vous qu’à chaque protocole, il y a une chance qu’une grossesse aboutisse : prenez soin de vous pendant les traitements, parce que tout peut très vite s’enchaîner par la suite !
Lucille Cloarec, psychologue